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SES TENDANCES GÉNÉRALES 521)

seur convaincu du passé. Mais, nous l'avons dit, le pro- pre de la comédie ancienne, c'est de montrer le ridicule des choses à la mode; et, encore une fois, Aristophane est la comédie faite homme. S'il loue les vieilles mœurs et les vieux poètes, c'est qu'il n'y a pas de meilleur moyen de faire la satire de tout ce qui enchante ses contempo- rains. La vie d'autrefois contre celle d'aujourd'hui, Es- chyle contre Euripide, voilà des effets dramatiques assu- rés. S'il ne parle guère de Sophocle, qu'il admire pour- tant sans réserve, c'est que Sophocle, par sa modération même, ne se prête pas à ces contrastes saisissants. L'im- portant pour lui, ce d*est pas de louer l'auleur des Per- ses ni la façon dont on élevait la jeunesse au temps de. Cimon; c'est de faire rire de ceux qui ont alors pour eux l'opinion, c'est de montrer par où les sophistes en re- nom, par où Socrate le sage, par où Euripide, le plus habile des poètes, prêtent le flanc à ses moqueries, à lui, le grand dépisteur de ridicules. Or, pour cela, tout lui est bon. Et, comme il est non seulement inventif et ingénieux, mais doué d'une imagination vive, il arrive qu'en rendant la vie aux vieilles choses, il se persuade à lui-même qu'il les aime et il le fait croire aux autres ; il s'enchante d'elles en les décrivant et il en trace des ima- ges qui sont délicieuses : tout y est grand, pur, héroïque, charmant; on est ravi, il Test aussi ; et pourtant, tout cela a précisément la valeur d'un efl'et littéraire. Per- sonne ne serait plus désolé que lui si les choses pou- vaient retourner en arrière, personne n'a plus besoin que lui des sophistes beaux-parleurs, des jeunes gens élégants et incrédules, et surtout des pensées subtiles d'Euripide, ne fût-ce que pour s'en moquer. Il est de son temps autant que ceux qui en sont le plus. 11 en a l'élégance, la justesse ingénieuse, lo goût de la vie fa- cile, l'esprit vif et délié, le langage rapide, les mots spirituels, et au fond le scepticisme. Seulement il a la

Hist. de la Litt. grecque. — T. III. 34

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