SES QUALITÉS DRAMATIQUES 543
rappeler que Bellérophon y est monté avant lui^ ainsi qu'on peut le voir dans les tragédies ; il n'y a de diffé- rence que la monture; nous pouvons bien lui passer cela. Donc CCS libres fictions ont une certaine consistance. Elles sont assez solides pour enfermer une idée, tout en étant assez transparentes pour la bien laisser voir.
Comment cette idée s'y introduit-elle? Presque toujours à la dérobée, grâce à la dextérité subtile du poète. Il a pour cela un tour de main d'une prestesse remarquable. C'est par l'intérêt dramatique qu'il nous prend d'abord. Nous voyons se dessiner une situation qui nous amuse : voilà des gens vivants, des caractères, voilà des projets, le tout encadré dans un milieu approprié, l'Agora, la place de l'Assemblée, une rue d'Athènes; le drame s'é- bauche, il s'anime, il est déjà vivant et agissant, quand nous nous apercevons de l'allégorie. Et cette allégorie n'est pas une chose lointaine, abstraite; c'est une autre face de la situation dramatique, un agrandissement de l'action, qui tout à coup déborde la fiction et semble se jouer dans la réalité. Deux esclaves se plaignent de leur camarade qui trompe le maître à leurs dépens : en quel- ques mots, ils nous ont fait voir l'état de la maison, la bêtise du vieillard, la rouerie du nouveau-venu ; nous sommes pris déjà, quand nous remarquons que ces deux esclaves sont Nicias et Démosthène, que le maître est Démos, que le nouveau-venu estCléon, et qu'en somme l'histoire fan- taisiste de cette maison, c'est l'histoire réelle de la répu- blique. Aussitôt la fiction grandit; à son intérêt propre s'ajoute un intérêt supérieur ; la comédie devient satire, mais elle reste pourtant comédie ; l'allégorie est si bien incorporée à la fiction qu'elle va se développer en elle et en même temps qu'elle. On ne peut dire à quel moment au juste elle y est entrée. Encore une fois, c'est l'âme dans le corps : plus le corps grandit et agit, plus la force de l'âme s'y révèle. A cet égard toutefois, ii y a entre
�� �