Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/570

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la loi nouvelle du partage, courant porter ses biens à la masse, l’autre, prudent, laissant faire les plus pressés, et quant à lui très disposé à prendre, mais très peu enclin à donner. — Ploutos est peut-être celle des comédies d’Aristophane où les traits distinctifs des personnages sont lo moins nettement marqués. Et néanmoins, là méme, ne faut-il pas rendre justice à la naïveté chagrine de Chrémyle, à l'humeur soupçonneuse de Blepsidème et des voisins, enûn à la vérité simple et forte de cette scène où tous deux, à bout d’arguments, ne veulent pourtant pas se rendre aux raisons de Pauvreté ; tant l'instinct résiste en eux à la force importune des preuves.

Donc, par observation ou par intuition, il est bien certain que la vérité humaine se glisse partout dans les fantaisies d’Aristophane. C’est lui faire un étrange reproche en vérité que de lui imputer, avec l’autour de la Comparaison entre Aristophane et Ménandre attribuée à Plutarque, une exagération perpétuelle du ridicule. « Chez lui, dit cet écrivain mécontent, le savoir-faire n’est pas l’expérience de la vie, c’est de la coquinerie; la rusticité n’est point naïve, elle est sotte ; le ridicule n’est pas enjoué il est purement bouffon ; quant à l'amour, il n’est pas joyeux, mais débauché *. » Ceci revient à reprocher à la comédie ancienne sa nature méme^. Il est bien clair que dans ce genre carnavalesque, nous ne devons pas demander au poète des caractères d’une vraisemblance absolue et délicate, qui soient réels dans toutes leurs parties. Une fantaisie audacieuse et folle lui est commandée par la tradition; ce qui est admirable, c’est que, sans alourdir cette fantaisie, sans gêner son essor, il y mêle naturellement tant de vérité. Les caractères qu’il trace sont inconn

1. Plutarque, Moralia, Didot, t. II, p. 1041.

2. Et c’est justement ce qui fait pour nous l’intérêt de ce jugement vraiment étonnant. Il montre à quel point certains siècles peuvent être fermés à l'intelligence de ce qui a enchanté d’autres générations.