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PHRYNIGHOS 49

Chantées d'abord par les chœurs tragiques quMI avait formés lui-même, elles avaient charmé l'oreille du public athénien. On les avait retenues et on aimait à les redire. Cet hommage gracieux et spontané de tout un peuple nous permet de mieux apprécier ce que valait le poète. Nature délicate, mais non sans force ni hardiesse, Phryni- chos ressemble à son illustre contemporain Simonide. Il eut comme lui la grâce, la suavité naturelle du chant, la tendresse, le pathétique. Ses tragédies n'étaient que des élégies, plus dramatiques et plus variées. Peu d'ac- tion, nulle conception grandiose ou saisissante, point de hautes idées ni de personnages surhumains à la manière d'Eschyle. Un seul événement douloureux comme fond de tableau, ordinairement une catastrophe légendaire, parfois une ville prise, une armée détruite, et sur le de- vant un chœur de femmes désespérées. Avec Phrynichos, la tragédie s'attendrissait. Elle se remplissait des senti- ments les plus humains. Ignorant encore Tart de les mettre en action, elle les exprimait lyriquement d'une manière touchante. De là l'importance des rôles de femmes, dont on lui attribua plus tard, sans doute à tort, l'introduction sur la scène tragique *. De là aussi ces sujets pris en pleine réalité contemporaine, ces épi- sodes de l'histoire du jour, tableaux émouvants de la lutte des Grecs contre les Perses. Le drame proprement dit y était peu de chose. Dans les Phéniciennes^ où Phrynichos avant Eschyle retraçait la défaite de Xercès, cette défaite, le seul événement de la pièce, était annoncée dès le pro- logue. Que restait-il dès lors pour l'action? Ce qui rem- plissait la tragédie, c'étaient, avec quelques récits sans doute, les chants des femmes de Sidon qui formaient le chœur, leurs plaintes, leur admiration involontaire pour la Grèce, mélodieuse et pathétique lamentation qu'on chantait encore soixante ans plus tard.

1. Siiidas, ^puYi^oc*

Hist. de la Litt. grecque. — T. III. 4

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