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Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/630

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être banales; chez lui, elles prenaient un air do nouveauté ; cela tenait à la vivacité du tour, à la familiarité ingénieuse de l’image, souvent aussi à un accent personnel qui trahissait Thomme derrière le personnage fictif. Dans sa Prophétesse {@eo(fopo\>[xiYfi), un homme, ulcéré par quelque injustice, se plaignait amèrement de la façon dont marche la société humaine : les intrigants y réussissent, les braves gens sont méconnus. Voilà bien une de ces demi-vérités qui ont couru le monde dans tous les temps. On pourrait soutenir le contraire également ; on dirait aussi bien que l'homme de valeur finit toujours par se faire apprécier. Ni l'un ni l’autre de ces thèmes n’est absolument vrai ni absolument faux. Or ce sont là justement les idées dont nous nous emparons le plus volontiers, selon nos humeurs; ce sont des formes toutes prêtes où nous jetons nos colères, nos découragements ou nos espérances. Voilà pourquoi elles conviennent si bien à la comédie. Mais il faut que le poète, sous le lieu commun, nous fasse sentir l'humeur du personnage, et c’est en quoi Ménandre a excellé. Son bourru s’écrie * :

« Si quelqu’un des dieux venait me dire : — Écoute, Craton, quand tu seras mort, tu renaîtras. Ce que tu voudras être alors, tu le seras, chien, mouton, bouc, homme ou cheval ; c’est une seconde vie qui t’attend ; voilà ta destinée ; à toi de choisir ce que tu veux. — Tout au monde, m ’écrier ais-je aussitôt, tout plutôt que d’être homme ! Entre tous les animaux, c’est le seul dont le bonheur et le malheur n’aient rien de commun avec la justice. Un cheval est-il excellent, on le soigne mieux que tout autre. Si tu deviens un bon chien, tu seras beaucoup plus estimé qu’un mauvais chien. Un coq qui est brave est autrement nourri que le lâche, et celui-ci tremble devant son supérieur. Mais un homme au contraire, qu’il soit honnête, bien né, généreux, tout cela ne lui sert à rien par le temps qui court. Celui qui réussit le mieux, c’est le flatteur ; après le flatteur, c’est le sycophante ; après le syco-

1. Fr, 223.

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