Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t3.djvu/663

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Evénos s’y révèle comme un homme du meilleur ton *, dont la poésie a plus de grâce et de finesse que d’essor. Il aime à moraliser ; et il le fait, quoique compatriote d’Archiloque, avec une élégance discrète, qui est vraiment attique. Il connaît le monde où l’on cause, et il signale spirituellement les défauts désagréables qu’il y a rencontrés ^

« Contredire à tout propos, indifféremment, est un usage très commun ; mais contredire quand il faut, voilà qui est plus rare. A ceux qui disputent toujours il suffit de répondre, selon le vieux proverbe : — Garde ton opinion, je garde aussi la mienne. — Quant aux hommes de sens, le plus prompt moyen de les persuader, c’est d’avoir raison ; car ceux-là se laissent volontiers instruire. »

Beaucoup de ces pensées morales étaient anciennes, quelques-unes même proverbiales; le proverbe convenait à l'élégie comme à la conversation. Mais Evénos savait rajeunir de vieilles observations en leur donnant, sous l"influence de la philosophie contemporaine, un sens plus fin ou plus profond.

« A mon avis, ce n’est pas une des moindres parties de la sagesse qne de bien discerner ce qu’est un homme 3. »

« Souvent la colère dévoile un secret qui se cachait dans l'âme ; elle est plus indiscrète encore que la folie 4. »

On peut relever même, dans ses fragments, une pensée toute socratique :

« Unir l’audace à la sagesse, c’est un grand avantage ; isolée, l’audace est nuisible et elle produit le mal 5. »

1. Tbv xâXXto-Tov Eurjvov, dit Platon.

2. Bergk, Poet, lyr. gr., II, p. 269.

3. Bergk., P. lyr. g., II, p. 270, fr. 3.

4. Ibid., fr. 5.

5. Ibid., fr. 4.