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était devenue, dès l’antiquité, légendaire par la difficulté de son humeur[1]. Inutile de dire que toutes les histoires racontées à ce sujet ne méritent pas d’être discutées. Un très beau passage des Mémorables nous montre que Socrate savait reconnaître, sous cette méchante humeur de sa femme, les qualités solides qui en étaient la contre-partie, et qu’il opposait à ses incartades autant de douceur que de bon sens[2]. Quant à la légende des deux mariages de Socrate, successifs suivant les uns, simultanés selon d’autres, elle ne mérite absolument aucune créance[3]. L’aîné des fils de Socrate, nommé Lamproclès, était déjà grand au temps du procès de son père ; deux autres le suivaient, beaucoup plus jeunes[4].

En 399, peu après l’expulsion des Trente et le rétablissement de la démocratie, Mélétos, Anytos et Lycon accusèrent Socrate d’introduire des divinités nouvelles et de corrompre la jeunesse[5]. Nous aurons à étudier un peu plus tard les motifs de ce procès, les causes de la condamnation, l’attitude de Socrate et l’influence exercée par sa mort sur la destinée ultérieure de ses doctrines. Bornons-nous a dire ici que Socrate, condamné par les Héliastes en avril ou mai, le lende-

  1. Voir notamment : Xénophon, Banquet, II, 10 ; Plutarque, De la Colère, ch. xiii. ; Sénèque, de Constantia, 18, 5 ; Élien, Hist. Var., Xi, 12 et VII, 10 ; Diogène Laërce, II, 36 et suiv. ; etc.
  2. Mémor., II, 2.
  3. Elle se fondait sur un passage du dialogue d’Aristote Περὶ εὑγενενείας, et elle fut mise en circulation par Démétrius de Phalère. Cf. Diogène Laërce, II, 26. Mais elle renferme des impossibilités matérielles, et nous ne savons ce que disait au juste Aristote (cf. fragm. 92-93, éd. Val. Rose, Teubner). — Voir à ce sujet la discussion de Zeller, Ph. des Grecs, t. II, p. 60-61 (trad. fr.) ; et surtout A. Roegiers, la Famille de Socrate, Louvain, 1897.
  4. C’est ce qui résulte du Phédon, p. 60, A, et du passage précédemment cité des Mémorables.
  5. Sur la date, cf. Diogène, II, 44 (d’après Démétrius de Phalère et Apollodore). Sur le libellé de l’accusation, cf. Xénophon, Mémor., 1, 1, 1 ; Platon, Apol., 17, D ; Diogène Laërce, II, 40. Sur la personne des accusateurs, cf. Zeller, t. II, p. 178, notes (trad. française).