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main du jour où la trière sacrée était partie pour Délos, attendit dans la prison le retour des théores athéniens, et but la ciguë trente jours après sa condamnation, entouré de ses disciples.

II

Cicéron au dit plusieurs fois de Socrate qu’il avait « ramené la philosophie du ciel sur la terre[1] » ; et le mot a fait fortune ; on le cite sans cesse. Il est juste et expressif, en effet, mais il a besoin d’être expliqué ; il faut, surtout bien, entendre que le « ciel » dont parle Cicéron n’est celui des astronomes et des physiciens (τὰ μετέωρα), non des croyants, et que, si le premier est pour Socrate sans intérêt, nul plus que lui n’a travaillé à tourner vers le second, les regards de l’homme[2].

§ 1

Le point de départ de la philosophie Socrate comme de celle des sophistes, est une rupture déclarée avec les recherches des physiciens antérieurs ; et cela par des motifs qui sont en grande partie les mêmes que ceux des Protagoras et des Gorgias. À ses yeux, les recherches des vieilles écoles grecques ont un double défaut radical ; elles portent sur des objets inaccessibles à l’esprit humain et n’ont pas d’utilité. La preuve qu’elles poursuivent une réalité insaisissable, c’est qu’elle ne

  1. Philosophiam devocavit e coelo (Tuscul., V, 4, 10 ; cf. Acad., I., 4, 15 ; II, 29, 123 ; de Fin., V, 29, 87 ; etc.)
  2. Sur l’ensemble de la philosophie de Socrate, voir les nombreux historiens de la philosophie, mais surtout Zller, t. III (trad. fr.). − En français, les deux ouvrages essentiels sur Socrate sont ceux de Fouillée, Philosophie de Socrate, Paris, 1874, et Boutroux, Socrate fondateur de la science morale (dans les mémoires de l’Acad. des Sc. morales, 1885).