Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t4.djvu/27

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exprimât le sentiment de tous, sans délibération ni discussion ; par exemple dans les fêtes publiques et privées. Mais c’était le lyrisme qui était en possession de ce rôle ; l’éloquence ne l’en détrôna que plus tard. L’art, en effet, tient trop de place dans ce genre de discours pour que la parole improvisée suffise, sans étude spéciale et sans métier. Nous savons cependant par Thucydide que, déjà au commencement de la guerre du Péloponèse, c’était une vieille coutume (πάτριος νόμος) de prononcer l’oraison funèbre des guerriers morts pour la patrie[1]. Quoi qu’il en soit de cette exception, les discours épidictiques devaient alors être rares. Bientôt, au contraire, ils allaient se multiplier, dès que le talent de parier eut pris, grâce à la rhétorique, une claire conscience de lui-même.

Les orateurs ne pouvaient manquer aux occasions. L’aptitude naturelle de la race grecque pour la parole était plus marquée à Athènes que partout ailleurs. Platon disait, au siècle suivant : « Tous les Grecs estiment que notre cité est amie des discours et abondante en paroles[2]. » C’était vrai dès le temps des guerres médiques. Démosthène aussi se plaint sans cesse qu’Athènes produise trop de discours et trop de décrets, mais pas assez d’actes décisifs[3]. Les orateurs furent don nombreux et bien doués. Mais ils eurent en outre cette fortune de rencontrer un public admirable. « L’éloquence des orateurs, disait Cicéron, a toujours eu pour règle et pour mesure le bon goût des auditeurs[4]. » Et Bossuet redit à son tour, à plusieurs reprises (quoiqu’en

  1. Thucydide, II, 34, 1. Cf. Caffiaux, De l’oraison funèbre dans la Grèce païenne, Paris, 1861.
  2. Lois, I, p.641, E : Τὴν πόλιν ἄπαντες ἡμῶν Ἕλληνες ὑπολαμβάνουσιν ὡς φιλολογός τέ ἐστι καὶ πολύλογος.
  3. Olynth., II, 12
  4. Cicéron, Orator, 5 : Semper oratorum eloquntiæ moderatriæ fuit auditorun prudentia.