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BÉROSE ET MANÉTHON

l’autre ses Chroniques d’Égypte (Αἰγυπτιαϰὰ), en trois livres[1]. Bérose, d’après Syncelle et Tatien[2], avait été prêtre de Bel et contemporain d’Alexandre. Manéthon, de Sébennyte, prêtre lui aussi, aurait vécu sous les deux premiers Ptolémées[3]. L’un et l’autre, d’après l’opinion commune, avaient entrepris de faire connaître aux Grecs les traditions de leurs pays respectifs. Il nous reste de ces deux ouvrages des fragments étendus et fort curieux, mais qui ne nous ont été conservés que par des écrivains, d’époque relativement récente, Josèphe, Athénée, Clément d’Alexandrie, Eusèbe. S’il était démontré qu’Eusèbe, par exemple, qui cite ordinairement Bérose d’après Alexandre Polyhistor, avait réellement sous les yeux un texte authentique de cet Alexandre, l’authenticité du livre de Bérose s’ensuivrait presque nécessairement. Mais cela est douteux. Ernest Havet, dans un très savant mémoire[4], a montré combien sont fragiles tous ces témoignages. En revanche, il a fait ressortir avec force combien il est peu vraisemblable que deux Orientaux se soient trouvés, dès le temps d’Alexandre et de Ptolémée, assez hellénisés pour écrire ces deux livres[5], et combien les sentiments prêtés à Manéthon à l’égard des Juifs semblent peu convenir à l’époque où on les place[6]. Il arrive à cette conclusion que les ouvrages attribués à Bérose et à Manéthon sont des compositions apocryphes datant de la fin du iie siècle avant l’ère chrétienne, et dues sans doute à des Orientaux fortement hellénisés[7].

  1. Fragments dans C. Müller, Fragm. hist. gr., II, p. 495-696.
  2. Textes cités par C. Müller, p. 495.
  3. Textes cités par C. Müller, p. 511.
  4. Mémoire sur la date des écrits qui portent les noms de Bérose et de Manéthon, Paris (Hachette), 1873.
  5. Ibid., p. 29.
  6. Ibid., p. 37.
  7. Ibid., p. 49. Susemihl, qui connaît seulement le titre du mé-