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INTRODUCTION

ment diminue : car c’est la préoccupation sincère d’une idée dominante qui maintient d’un bout à l’autre l’unité de ton et l’harmonie ; quand le bel esprit l’emporte, il s’amuse aux détails, il s’attache au « morceau », et n’a plus la force de lier l’ensemble. Le style, au contraire, devient l’objet d’une étude raffinée : ces poètes lettrés, qui écrivent pour d’autres lettrés, ont le culte de la forme ; jamais on ne connut mieux l’art de ciseler une phrase ; jamais on ne mit plus de soin ; plus d’effort, plus de savoir dans le choix des mots ; jamais on ne fut plus artiste d’intention. Le succès ne répondit qu’en partie à tant d’efforts : si la netteté de la phrase fut incomparable, l’inconvénient d’écrire une langue déjà presque morte, ou du moins profondément artificielle, se fit trop souvent sentir chez les plus habiles. La versification, enfin, par cela seul qu’elle s’adresse surtout à des lecteurs, change profondément de caractère. Les rythmes lyriques reculent sur toute la ligne ; l’hexamètre simple ou le distique élégiaque tendent à se substituer à la variété des anciens mètres ; en revanche, la facture de ces deux mètres préférés acquiert une précision et une finesse inconnues. Dans cette transformation radicale de l’art, les genres eux-mêmes sont atteints. L’épopée devient une œuvre de cabinet ; le vieux lyrisme n’a plus l’occasion de se produire que dans quelques cérémonies traditionnelles des pays d’ancienne langue grecque ; la tragédie, déjà compromise par l’abus de la rhétorique au ive siècle, tourne de plus en plus à l’exercice d’école ; la comédie ne survit guère qu’à Athènes. D’autre part, l’élégie amoureuse et mythologique, le mime, la poésie satirique, la bucolique, l’épigramme, l’hymne officiel et mondain se développent. Tous ces genres, chose remarquable, ne comportent guère qu’une étendue restreinte ; les artistes de ce temps ont pleinement conscience, en général,