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CHAPITRE IV. — LA POÉSIE ALEXANDRINE

À côté de ces passions brûlantes, voici le don dramatique et objectif dans toute sa netteté impersonnelle. L’idylle des « Pâtres » (Battos et Corydon, IV), celle de « Thyonichos ou l’amour de Cynisca » (XIV), sont des mimes aussi vivants et réels que ceux d’Hérodas, avec le mérite de la grâce en plus. L’amour, il est vrai, n’en est pas absent, et c’est là le trait propre de Théocrite : mais il ne s’y exprime pas avec la fougue ardente et lyrique des pièces précédentes. Ni Battos ni Corydon ne sont amoureux pour leur propre compte ; ou du moins ils ne parlent de leurs amours qu’en passant, ils n’en font pas le sujet essentiel de leur entretien. La causerie est capricieuse, se posant tour à tour sur divers sujets qu’elle effleure : le départ de Milon, le bon bouvier, que regrettent ses génisses ; l’aspect lamentable du troupeau abandonné ; les occupations musicales des deux pâtres ; un souvenir ému à la mort d’Amaryllis ; les menus accidents de la vie pastorale, une chèvre qui s’enfuit, un pied blessé par une épine ; puis, en finissant, quelques propos salés sur les fantaisies amoureuses du prochain. Le tout est d’une vivacité gracieuse et charmante. Eschine, l’un des interlocuteurs de la XIVe idylle, est un amoureux éconduit, mais le poète a moins pour objet de nous attendrir sur ses maux que de nous peindre son caractère vif et emporté : Eschine, dans une narration charmante et dramatique, raconte à Thyonichos comment il a découvert son malheur ; celui-ci cherche à le calmer, il lui propose un remède ; c’est de s’expatrier, de se faire soldat : au service de Ptolémée, il oubliera l’infidèle.

Les plus belles idylles de Théocrite sont celles où il a trouvé le secret de fondre en un tout harmonieux ces

    ces passages la peinture d’une querelle entre gens du peuple qu’une image de la passion.