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THÉOCRITE POÈTE ET ÉCRIVAIN

vient au dialogue familier. Il se déroulera en périodes, se formera en strophes plus ou moins longues, se répétera en refrains, se divisera en membres courts au gré des interlocuteurs. Il y a, chez Théocrite, des vers qui ont l’ampleur d’un vers homérique ; d’autres ont une vivacité toute nouvelle. Cette vivacité légère vient surtout des coupes. La coupe dite « bucolique », qui suspend la phrase sur un dactyle après le quatrième pied, est particulièrement caractéristique ; Théocrite ne l’a pas inventée, mais il en a fait un usage plus fréquent que personne, parce qu’elle répond à merveille à l’allure de sa phrase, comme nous le verrons tout à l’heure. De même, il s’amuse sans cesse à briser l’harmonie solennelle du vers épique par des accumulations de petits mots, par des césures inattendues. Ses fins de vers surtout sont souvent très amusantes[1]. L’hexamètre ainsi manié devient un vers tout nouveau, une création d’artiste supérieur, merveilleusement adaptée à son objet.


Le style n’est pas moins habile ni moins neuf.

Théocrite écrit d’habitude en dialecte dorien. Seules, la pièce des Dioscures et celle d’Héraclès tueur du lion sont en ionien, plus ou moins pur. Les raisons de ce choix sont faciles à voir : elles tiennent à la nature des sujets. Quelques autres, imitées des poètes de Lesbos, sont en éolien : mais la plupart sont en dorien, pour deux motifs : c’est d’abord que le mime, pastoral ou non, est dorien d’origine, et ensuite que Théocrite est dorien lui-même. Ce dorien est d’ailleurs plus ou moins populaire. Dans l’Épithalame d’Hélène, dans les deux hymnes, dans les idylles, le dialecte est plus relevé, plus mêlé d’ionismes, plus semblable à celui des lyriques classiques ; la raison en est évidente. Dans les mimes,

  1. Voir, par exemple, XV, 38-43.