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CALLIMAQUE

lectes littéraires de la Grèce. Son vocabulaire est puisé à toutes les sources : il est riche, amusant, composite ; il manque de pureté, et parfois de clarté. À côté d’un terme archaïque, rare et obscur, on trouve un mot de la langue commune : cela fait une bigarrure qui trahit à la fois beaucoup de savoir et un certain manque de cette qualité plus précieuse qui produit dans les œuvres d’art l’harmonie. Il a du moins le mérite de n’être ni vague ni banal ; ses mots, quelle qu’en soit l’origine, ont un sens précis ; l’idée est nettement rendue : avec plus de netteté, il est vrai, que de poésie : sa précision a quelque chose de dur ; on y voudrait plus de grâce, plus de mollesse, un peu plus d’images et de rêve. Sa phrase est vive, brève en général, toujours nette et bien découpée. Il sait à la fois la dérouler avec élégance et la briser en petits membres courts pour simuler une émotion qu’il ne ressent pas. À ne regarder que l’extérieur, on dirait presque du Théocrite : c’est la même rapidité légère et forte, la même musique tour à tour caressante et haletante. Seulement, ce n’est là qu’une apparence : si l’on écoute les paroles de la chanson, on les trouve sèches et prosaïques[1]. — Sa versification aussi rappelle celle de Théocrite, par l’abondance des dactyles, par l’usage fréquent de la césure bucolique, par l’habileté à mettre en bonne place un grand mot, par l’emploi discret de la fin de vers spondaïque, par la coupe heureuse de la phrase poétique et l’allure dégagée de l’ensemble[2]. Mais, ici encore, cette ressemblance est superficielle : tout ce qui est du métier, Callimaque le possède en perfection. Ce qui lui manque, c’est le don inné d’accommoder cette forme impeccable à des sentiments qui l’exigent et la justifient ; c’est, en un mot, cette petite

  1. Voir, par exemple, dans l’Hymne à Zeus, les vers 38-41.
  2. Cf. Couat, p. 256.