L’ordre même où il faut les ranger est sujet à controverse. Selon les uns, Bion est un contemporain de Théocrite, un disciple immédiat du maître[1]. Selon les autres, il a vécu après Moschos, qui fut lui-même, au dire de Suidas, disciple d’Aristarque, et qui vivait par conséquent à la fin du second siècle : de sorte que Bion aurait vécu vers le commencement du premier siècle, trente ou quarante ans seulement avant Virgile[2]. Cette dernière opinion s’appuie sur des textes peu autorisés[3]. Elle a contre elle la pièce intitulée Chant funèbre en l’honneur de Bion (Ἐπιτάφιος Βίωνος), attribuée par les manuscrits à Moschos. Si cette attribution est exacte, il est clair que Moschos a survécu à Bion. Mais, fût-elle fausse (ce qui n’est pas démontré[4]), il n’en reste pas moins certain qu’aux yeux du poète inconnu qui composa cette pièce, Bion était un contemporain des personnages qui figurent dans les Thalysies, Philétas, Lycidas, Théocrite lui-même[5]. Il est donc impossible d’admettre, avec Susemihl, que cet anonyme, contemporain lui-même de Sylla, chantait un poète mort depuis peu, et le plus sûr est de s’en tenir à l’opinion traditionnelle, qui place Bion peu après Théocrite, cent cinquante ans avant Moschos. Cette question chronologique étant ainsi réglée, arrivons à dire le peu qu’on sait sur la vie et les œuvres de l’un et de l’autre.
- ↑ C’est l’opinion traditionnelle, recueillie en dernier lieu par Christ, Griech. Liter., p. 398.
- ↑ Théorie de Bücheler, Rhein. Mus., XXX, p. 40 ; adoptée par Susemihl, I, p. 233.
- ↑ Schol. Anthol. Pal., IX, 440, et Suidas, Θεόκριτος.
- ↑ La principale raison alléguée contre cette attribution se tire des vers 100-101, où l’auteur se donne comme Ausonien (Αὐσονικᾶς ὀδύνας), c’est-à-dire, prétend-on, comme Italien, ce que n’était pas Moschos, né à Syracuse. On oublie que, dans Apollonios de Rhodes (IV, 826), le mot Αὐσονίη est appliqué à Scylla, qui était Sicilienne, et non Italienne.
- ↑ Ἐπιτάφιος, v. 94-100.