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CHAPITRE IV. — LA POÉSIE ALEXANDRINE

L’ordre même où il faut les ranger est sujet à controverse. Selon les uns, Bion est un contemporain de Théocrite, un disciple immédiat du maître[1]. Selon les autres, il a vécu après Moschos, qui fut lui-même, au dire de Suidas, disciple d’Aristarque, et qui vivait par conséquent à la fin du second siècle : de sorte que Bion aurait vécu vers le commencement du premier siècle, trente ou quarante ans seulement avant Virgile[2]. Cette dernière opinion s’appuie sur des textes peu autorisés[3]. Elle a contre elle la pièce intitulée Chant funèbre en l’honneur de Bion (Ἐπιτάφιος Βίωνος), attribuée par les manuscrits à Moschos. Si cette attribution est exacte, il est clair que Moschos a survécu à Bion. Mais, fût-elle fausse (ce qui n’est pas démontré[4]), il n’en reste pas moins certain qu’aux yeux du poète inconnu qui composa cette pièce, Bion était un contemporain des personnages qui figurent dans les Thalysies, Philétas, Lycidas, Théocrite lui-même[5]. Il est donc impossible d’admettre, avec Susemihl, que cet anonyme, contemporain lui-même de Sylla, chantait un poète mort depuis peu, et le plus sûr est de s’en tenir à l’opinion traditionnelle, qui place Bion peu après Théocrite, cent cinquante ans avant Moschos. Cette question chronologique étant ainsi réglée, arrivons à dire le peu qu’on sait sur la vie et les œuvres de l’un et de l’autre.

  1. C’est l’opinion traditionnelle, recueillie en dernier lieu par Christ, Griech. Liter., p. 398.
  2. Théorie de Bücheler, Rhein. Mus., XXX, p. 40 ; adoptée par Susemihl, I, p. 233.
  3. Schol. Anthol. Pal., IX, 440, et Suidas, Θεόκριτος.
  4. La principale raison alléguée contre cette attribution se tire des vers 100-101, où l’auteur se donne comme Ausonien (Αὐσονικᾶς ὀδύνας), c’est-à-dire, prétend-on, comme Italien, ce que n’était pas Moschos, né à Syracuse. On oublie que, dans Apollonios de Rhodes (IV, 826), le mot Αὐσονίη est appliqué à Scylla, qui était Sicilienne, et non Italienne.
  5. Ἐπιτάφιος, v. 94-100.