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L’OARISTYS

conversation amoureuse) est inconnu. Bien que ce poème se rencontre dans le recueil des œuvres de Théocrite (XXVII), il n’est pas de Théocrite : car on y trouve un vers, le quatrième, qui n’est que la reproduction littérale d’un vers de la IIIe Idylle (v. 20) ; Théocrite ne pouvait se copier ainsi lui-même, tandis qu’un disciple pouvait lui emprunter un vers devenu rapidement proverbial parmi les lettrés[1]. Il y a d’ailleurs d’autres différences qui séparent cette œuvre de celles de Théocrite[2]. L’une des plus remarquables, bien qu’on l’ait peu signalée, est que les deux personnages, d’un bout à l’autre de leur entretien, enferment leur pensée en un seul vers, comme dans une stichomythie tragique : cette sorte de gageure est soutenue jusqu’à la fin avec autant de rigueur que de verve brillante. Le poète inconnu à qui nous devons cette pièce était un écrivain de grand talent. Personne, en dehors de Théocrite, n’a eu au même degré, dans la poésie bucolique, le don du mouvement et de la vie. Les deux personnages, un berger et une bergère, sont d’une vérité pittoresque et spirituelle. Leurs sentiments, leurs attitudes, les diverses phases de l’entretien sont indiqués d’un trait aussi fin et aussi sûr que dans les Syracusaines. C’est un véritable mime qui se joue sous nos yeux. Tout ce dialogue, parmi ses sinuosités agréables, court au dénouement, qui est d’un réalisme un peu libre, mais discrètement voilé par l’art du poète et relevé par l’idée de l’hymen. On sait qu’André Chénier a traduit l’Oaristys : sa poétique traduction conserve bien la grâce de l’original, mais n’en rend pas toute la précision mordante et toute la finesse.


Bion et Moschos sont plus célèbres que bien connus.

  1. Ἔστι καὶ ἐν κενοῖσι φιλάμασιν ἁδέα τέψις.
  2. Cf. Fritzsche (dans son édition), p. 213.