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CHAPITRE Ier· — CARACTÈRES GÉNÉRAUX

le monde, que les initiés souls peuvent comprendre[1]. La phrase est généralement claire dans sa structure. ; car, depuis Isocrate, tout le monde sait composer une période correcte ; mais elle est monotone, souvent sentencieuse, plutôt didactique que vivante. Ces altérations de la langue et du style ne sont pas toutes illégitimes : l’emploi des mots techniques peut être, au point de vue scientifique, un progrès. Mais l’art y perd. Et, de fait, l’art du style ne préoccupe guère les principaux esprits de ce temps. Quelques-uns, bien que domiciliés à Athènes, sont étrangers d’origine, et n’ont pas respiré l’atticisme en naissant. D’autres, comme Épicure, affectent de ne s’en point soucier. De là, chez tous, des habitudes de négligence inconnues à l’âge classique : car cette négligence n’est plus l’abandon aimable qui donnait parfois tant de grâce au style d’un Xénophon ou d’un Platon : c’est une fâcheuse incurie qui laisse la phrase se gonfler au hasard de mots incolores et inexpressifs[2].

Et cependant, à Athènes du moins, il subsistait une tradition. La langue qu’on écrivait était, à peu de chose près, celle que parlait le peuple. Il n’en était pas de même ailleurs, et l’on voit alors cette nouveauté, de grands centres intellectuels, une Alexandrie, une Antioche, où les lettrés ne sont pas compris d’une partie de la population.

II

Alexandrie est la première en date et de beaucoup la plus importante de ces villes nouvelles, nées de la con-

  1. Épicure et Zénon sont inventeurs d’une foule de ces termes.
  2. Par exemple, le fastidieux ὁλοσχερής, avec son dérivé ὁλοσχερῶς, presque aussi chers à Épicure qu’à Polybe.