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CHAPITRE V. — POLYBE

§ 2. sa philosophie historique.

Cette enquête impartiale et critique sur le détail des faits ne suffit pourtant pas encore à l’historien. Il faut qu’il ait une philosophie, c’est-à-dire une conception générale des choses, qui le dirige dans l’étude des faits particuliers. Il reproche quelque part à Timée de manquer de philosophie[1]. La philosophie que réclame Polybe n’est d’ailleurs pas celle de telle ou telle secte spéciale : c’est plutôt un ensemble de vues générales sur les lois qui gouvernent l’enchaînement des faits historiques. On parle quelquefois de son stoïcisme, de ses relations avec Panétios[2]. Il y a quelque vérité dans ces indications ; mais il ne faut pas en exagérer la valeur. L’esprit philosophique, tel que l’entend Polybe, n’est le prisonnier d’aucune secte ; il se réduit à quelques notions très importantes, mais très simples, qui sont plutôt la marque d’une intelligence vraiment scientifique que celle d’un adepte du stoïcisme éclectique de Panétios ou de tout autre.

Ces notions directrices sont les unes plutôt théoriques, et les autres plutôt des conséquences des premières, transportées dans le domaine de l’histoire.

À ses yeux, l’utilité fondamentale de l’histoire réside dans la découverte des causes qui relient les événements les uns aux autres. Si les faits historiques étaient l’effet d’une volonté capricieuse ou d’un hasard inintelligible, la connaissance du passé serait inutile. Ce qui fait que l’histoire est un enseignement, c’est que les faits particuliers dont elle présente le tableau dans le passé sont liés entre eux par des rapports de cause à effet qui ont une valeur permanente et qui intéressent l’avenir comme

  1. Polybe, XII, 23, 6 (ἀφιλόσοφος).
  2. Cf. Susemihl, II, p. 96 et suiv.