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CHAPITRE V. — POLYBE

sur les événements concrets de l’histoire. « Qu’on attribue, si l’on veut, à la divinité ou au hasard les événements dont il est impossible ou difficile, pour l’esprit humain, de saisir les causes, pluies, sécheresses, pestes, etc… Il est raisonnable, dans toutes ces conjonctures, de suivre l’opinion commune, faute de mieux, et de faire des sacrifices ou des prières pour apaiser les dieux, d’envoyer consulter les oracles sur ce qu’il convient de faire ou de dire pour hâter la fin de ces fléaux. Mais quand on peut découvrir la cause vraie d’un évènement, il me paraît déplacé d’en rapporter l’origine a la divinité. » Il est à remarquer que Socrate lui-même, au début des Mémorables, ne dit presque pas autre chose. Thucydide, en tout cas, eut approuvé sans réserves. Dans un autre passage, Polybe se moque de ceux qui font intervenir témérairement « dans l’histoire pragmatique » les « dieux » et les « fils des dieux[1]. » Où est, dans tout cela, le stoïcisme proprement dit de Polybe ? Il est difficile de l’apercevoir[2]. Il n’est, à vrai dire, ni stoïcien ni épicurien ; il est historien. Il exclut l’εἱμαρμένη, comme la τύχη, de ses spéculations, bien qu’il puisse lui arriver de nommer quelquefois l’une ou l’autre, quand il est à bout d’explications scientifiques[3] ; mais les seules causes dont il s’inquiète véritablement sont les causes secondes, les causes de l’ordre naturel et positif. Sur celles-là, au contraire, il est très abondant et très précis.

Il est facile de voir qu’il en distingue de plusieurs sortes. S’il s’agit d’un événement particulier, tel que

  1. Polybe, III, 47, 8.
  2. Susemihl (I. p. 100, n. 77) trouve une vue téléologique stoïco-péripatéticienne dans cette idée de Polybe que tout tend dans le monde à la domination de Rome. Mais il n’y a guère de ressemblance entre la domination romaine et le Bien absolu des péripatéticiens, attirant tous les êtres par l’amour.
  3. Par exemple, XXXII, 16, 1-3.