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PROCÉDÉS D’EXPOSITION

qui l’abus en ce genre passait toute mesure. Mais le reproche, au fond, tombait également sur Thucydide, qui n’a pas d’autre règle de vérité, en matière de discours, que cette loi de reconstruction idéale, conformément aux vraisemblances. Le point de vue de Polybe, sur cet important sujet, est exactement celui des modernes, qui considèrent les paroles comme des monuments aussi inviolables que les actes, et ne se croient pas en droit de les inventer. En fait, dans les parties intactes de l’œuvre de Polybe, on ne trouve pas un seul discours à la façon de Timée ou de Thucydide. Mais on y trouve de nombreux résumés en style indirect, qui conservent le sens général des paroles sans prétendre à une restitution trompeuse. Par là, Polybe n’est pas seulement en avance sur ses contemporains : il dépasse toute l’antiquité.

Pour le reste, il est de son temps, du moins quant à la forme. Dans ses supputations chronologiques, exactes et minutieuses, il suit l’exemple de Timée. Dans l’abondance de ses descriptions géographiques, auxquelles nous avons vu qu’il consacrait des livres entiers, il fait ce que beaucoup d’autres avaient déjà fait. De même dans ses longues préfaces, souvent remplies par des polémiques, et dans ses digressions explicatives. La nouveauté, en tout cela, vient moins de la forme que du fond. Il se sert des procédés en usage, mais il s’en sert pour d’autres fins et dans un autre esprit. Les discussions et explications, notamment, sans cesse intercalées au cours de ses récits, sont très neuves par les idées de détail, par la préoccupation didactique et sérieuse ; mais elles devaient rappeler, par le dessin général, la méthode incessamment discursive des Alexandrins. Il faut cependant remarquer la place très considérable qu’elles occupent dans son ouvrage, et qui vient de son souci perpétuel d’instruire. La forme si sévèrement im-