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APPLICATIONS ET EXEMPLES

pire tout son ouvrage, à savoir que désormais l’histoire du monde civilisé est une, et que cette unité vient de la prépondérance de Rome, qui tend de plus en plus à être le centre et la capitale des nations. Sa conception d’une histoire universelle repose, nous l’avons vu, sur cette idée, aussi juste et profonde que neuve.

Avec son perpétuel souci des « causes », il ne s’est pas contenté d’énoncer le fait : il en a cherché le pourquoi, et il l’a trouvé dans une analyse admirable des différentes forces en présence : Rome, Carthage, le monde grec.

L’image qu’il nous présente de la Rome de son temps est à coup sûr une des plus belles constructions historiques qu’on puisse contempler. Rien de ce qui fait la grandeur de Rome au iie siècle ne lui échappe : organisation politique puissante et bien équilibrée[1], organisation militaire incomparable[2], soutenues l’une et l’autre par un esprit public tout pénétré de sérieux et de moralité[3]. Il ne se fait d’ailleurs aucune illusion sur la durée de cette grandeur. Dans la force présente, il découvre déjà les germes encore obscurs de la décadence future et peut-être prochaine. Il sait comment la république périra et comment une forme nouvelle de gouvernement prendra sa place[4]. Il lit dans l’avenir avec une sagacité qui ôte à son admiration présente toute apparence de superstition.

Son étude de Carthage est moins complète. S’il en décrit l’organisation politique avec précision, il semble qu’il passe trop vite sur l’esprit même de la nation et sur ses mœurs. C’est cependant une vue remarquable que d’expliquer sa défaite, dans sa lutte contre Rome, par le

  1. Polybe, VI, 41-18.
  2. Polybe, VI, 19-42.
  3. Polybe, VI, 53 et 56.
  4. Polybe, VI, 57.