progrès même de son évolution, plus avancés alors que celle de sa rivale, et par conséquent plus voisine de la décadence[1].
Sur la Grèce, ses jugements sont d’une clairvoyance effrayants. Le patriote qui a combattu pour elle, l’ami du « dernier des Grecs », du noble Philopémen, se croit tenu, comme historien, de dire à ses compatriotes toute la vérité, et cette vérité est terrible. La Grèce se meurt, et par sa propre faute. Elle manque de moralité[2]. Elle a remplacé l’esprit public par un individualisme féroce, qui entretient chez elle des divisions incurables[3], et qui la dépeuple[4]. Sur ce dernier point, en particulier, il est d’une netteté impitoyable : les familles grecques n’ont plus d’enfants ; elles en élèvent un ou deux, pour qu’ils soient riches et vivent dans la mollesse ; vienne une guerre ou une épidémie, la race disparaît, et quand l’ennemi du dehors se présente, il s’établit sans coup férir dans un pays qui n’a plus de combattants à mettre en ligne : une population intelligente, aisée, cultivée, mais clairsemée, est une proie facile offerte aux races énergiques. — On a reproché à Polybe de manquer de patriotisme, de courtiser le succès : mais le vrai patriotisme ne consiste pas à dissimuler à sa patrie les vices dont elle meurt ; il y a certainement de l’amour dans l’âpreté de ces reproches, et sa vie suffit à le prouver. A-t-il du moins été juste pour le passé de la Grèce ? Ses jugements sur la démocratie d’Athènes et de Thèbes sont sévères[5]qui oserait dire qu’ils soient immérités ? Quelques mots sur la politique de Démosthène semblent plus difficiles à accepter[6]. Il est certain que son esprit positif était peu