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CHAPITRE VI. — LES GRECS À ROME

cal de Pyrrhon, au service duquel il avait mis toute la dialectique et toute la savante méthode de l’Académie. Comme écrivain, Énésidème nous est inconnu, mais — il a toujours sa place dans l’histoire de la philosophie[1].

V

La rhétorique, comme la philosophie, trahit un certain effort vers la nouveauté ; mais ici les noms saillants et les œuvres durables sont rares. La réputation d’Hégésias, si brillante au iiie siècle, avait bientôt décliné : ses concetti, son éloquence à pointes et à facettes, avaient provoqué de divers côtés une réaction, incertaine d’abord, ensuite plus vive. L’école philologique de Pergame, en relations fréquentes avec Athènes, donna le signal d’un retour vers l’atticisme. On a vu plus haut que Cratès de Mallos, l’un des fondateurs de la philologie de Pergame, avait consacré un long ouvrage à l’étude du langage attique. En même temps, Rome entrait en scène : Cratès y fut envoyé comme ambassadeur par Attale ; il fallait discuter avec le Sénat ; le sérieux dut rentrer peu à peu dans l’éloquence[2]. La forme du discours subit le contre-coup de ce changement. On se dégoûta des jeux de mots et des pointes. Presque personne cependant ne se proposa pour modèle la simplicité vigoureuse d’un Démosthène. Les uns, surtout en Asie, se firent une éloquence abondante et fleurie qui visait sans doute à rappeler Isocrate : c’est l’éloquence asiatique contemporaine de Cicéron, celle qu’Hortensius avait transportée à Rome[3]. Cicéron mentionne Eschyle de Cnide et Es-

  1. Cf. Susemihl, II, 340-341.
  2. Cf. Denys d’Halicarnasse, De Orat. ant., préface.
  3. Cicéron, Brutus, 25, 325.