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VUE D’ENSEMBLE

Leurs capitales étaient autant de centres importants, où les hommes de talent avaient chance de trouver des ressources de travail, un public, des récompenses et de la considération. À mesure que ces États perdirent leur autonomie et se transformèrent en provinces romaines, ces centres déclinèrent. Les gouverneurs romains du dernier siècle de la République ne pouvaient se substituer aux rois grecs disparus, dans leur rôle littéraire et artistique. Beaucoup d’entre eux n’étaient rien moins que des lettrés, et, le fussent-ils, ils n’étaient là qu’en passant, occupés à établir l’autorité romaine, à conduire les armées, à négocier, à s’enrichir, mais nullement à propager l’hellénisme. Le royaume grec d’Égypte fut le dernier, parmi les États de quelque étendue, qui perdit son indépendance ; et c’est pourquoi la réduction de ce royaume en province romaine (30 av. J.-C., événement qui coïncide presque avec l’établissement de l’Empire, peut, si l’on veut, être considérée comme marquant la fin d’une période et le commencement d’une autre ; en réalité, les faits caractéristiques de cette ère nouvelle étaient déjà en pleine manifestation vingt ans plus tôt, vers l’an 50 avant notre ère.

Le plus important de ces faits, c’est l’affaiblissement de la vie régionale, qui a pour conséquence l’émigration des Grecs vers la ville de Rome. C’est là que nous allons rencontrer les principaux écrivains dont nous aurons à parler, sous César, sous Auguste et ses successeurs, et il en sera ainsi jusque vers la fin du premier siècle après notre ère. Ce mouvement, commencé dès le temps de Polybe, atteint sous le règne d’Auguste son maximum d’intensité. Nous aurons donc affaire, dans cette première époque, à une littérature dépaysée et, pour ainsi dire, déracinée, vivant d’une manière artificielle sur un sol qui n’était pas le sien. Une telle littérature ne pouvait avoir ni beaucoup de sève ni beaucoup d’éclat.