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CHAPITRE Ier. — PÉRIODE DE L’EMPIRE

et, par suite, elle redonne à la pensée plus de vigueur et plus de souplesse, elle rend aux natures d’élite ces qualités de délicatesse, de finesse, d’élégance qui leur permettent de manifester ce qu’elles ont de personnel. Si la littérature grecque compte alors trop de rhéteurs fastidieux, elle a aussi des pamphlétaires de valeur, comme Lucien, des historiens sérieux, tels qu’Arrien et Appien, des moralistes tels que Marc-Aurèle.

Bien plus confiant en lui-même qu’au siècle précédent, le génie hellénique ne se contente plus de commenter ni de vulgariser, il ose prétendre de nouveau à une certaine originalité créatrice. L’instruction morale, telle que la comprend Dion de Pruse, la biographie anecdotique entre les mains de Plutarque, le dialogue, moitié comique, moitié sérieux, de Lucien, même la méditation solitaire chez Marc-Aurèle sont, en un sens et à des degrés divers, des genres nouveaux, tout au moins des genres naissants.

Le défaut irrémédiable de presque tous ces genres, malgré leur réel mérite, c’est qu’au lieu de surgir des sources populaires et de s’y alimenter, — comme autrefois l’épopée, le lyrisme, l’art dramatique, l’éloquence, — ils naissent tous de l’imitation littéraire. Floraison de serre chaude, qui ne peut vivre que par artifice, dans un milieu tout spécial. La grande masse des populations grecques ou hellénisées ne les comprend pas ou ne s’y intéresse pas. Et, à vrai dire, cette masse ne semble pas avoir eu alors une culture grecque suffisante pour qu’elle fût capable de besoins littéraires ou artistiques. Elle était trop mélangée, trop hétérogène. Hommes de toute origine et de toute race, Égyptiens, Syriens, Cappadociens, Phrygiens, menés par des fonctionnaires romains, que pouvaient-ils mettre en commun, sinon des sensations ou des instincts très simples ? Fêtes publiques, jeux, spectacles et pantomimes, voilà ce qui