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VUE D’ENSEMBLE

rement traitées ; les fortunes se sont refaites, et, avec elles, certaines grandes situations sociales ; les villes prospèrent, la vie municipale prend plus d’activité. Si l’on va toujours à Rome, du moins on ne s’y établit plus guère à demeure. Les ambitions littéraires et même politiques trouvent à se satisfaire dans la province natale.

Alors, un mouvement remarquable se produit dans les esprits. La philosophie, qui, sous les premiers empereurs, vivait dans les petits cercles de Rome, reprend de l’autorité. Avec Épictète, Dion et Plutarque, elle se met progressivement à jouer un tout autre rôle. Elle ose aspirer de nouveau à se faire écouter dans le monde ; et, en effet, sa voix est entendue au loin, partout où l’on parle grec ; on recueille ses enseignements, on les sollicite même ; ils se répandent à travers les provinces, dans toute la société cultivée. Et cette philosophie a, au fond, de plus hautes visées que celle de la période alexandrine. Elle s’est sensiblement dégagée des vaines disputes ; elle tend à l’essentiel, elle veut élever et fortifier les âmes, et, dans la morale ou au delà, elle cherche Dieu.

À côté de la philosophie renaît l’éloquence. Elle non plus ne veut plus s’enfermer dans l’école : elle donne des séances publiques, elle brille dans l’improvisation et dans les sujets fictifs, elle traite même les questions morales et les affaires publiques ; et, sous toutes ces formes, elle provoque l’enthousiasme, elle redevient une puissance dans la société. Cette sophistique, quels que soient ses défauts, a au plus haut degré le sentiment de l’art et elle le communique à toutes les parties de la littérature qui l’avaient perdu. C’est ainsi qu’au second siècle, sous les Antonins, les Grecs se remettent à écrire en vue de plaire. D’ailleurs, cette activité littéraire réveille le goût et l’admiration du passé. Elle ramène donc avec elle tout un cortège d’idées, de souvenirs, d’impressions ;