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CHAPITRE II. — D’AUGUSTE À DOMITIEN

temps devoir prédominer dans tout le monde grec, et on l’avait vue, à Rome même, se faire accueillir d’un certain nombre d’orateurs, préoccupés de suivre la mode. Mais, en général, le bon sens romain avait résisté. En résistant, il rendit aux Grecs le service de leur ouvrir les yeux sur leurs propres ridicules. Dès les dernières années de la République, la réaction est manifeste, et elle s’accentue, d’une manière décisive, dans les premières années de l’Empire.

Cicéron, un des maîtres du goût romain, avait éloquemment recommandé, dans un grand nombre de ses ouvrages, l’étude des meilleurs écrivains classiques et décrié le mauvais goût contemporain. Sénèque le père, dans ses Controverses, atteste que l’opinion des écoles, au temps d’Auguste, opposait à la frivolité prétentieuse de la déclamation grecque la vigueur plus saine de la déclamation latine[1]. De tels jugements devaient rappeler les Grecs à eux-mêmes : leurs propres témoignages nous apprennent que cette influence fut efficace[2].


Si les études proprement grammaticales ne semblent pas avoir eu d’action bien marquée sur cette renaissance du goût littéraire, elles y contribuèrent du moins indirectement en perpétuant l’étude des auteurs classi-

  1. Sénéque, Controv. II, 6, 12. Voir aussi X, 23 et 25, son jugement sur le rhéteur grec Dorien, qu’il considère comme une sorte de fou, « furiose dixit », et sur un autre Grec, Aemilianos, à propos duquel il écrit : « Græcus rhetor, quod genus stultorum amabilissimum est ». Il nous apprend (X, 4, 21) que le célèbre Porcius Latro ignorait de parti pris et méprisait les Grecs.
  2. Denys d’Halic., Orat. Attiques, Préf. 3 : Αἰτία δ’ οἶμαι καὶ ἀρχὴ τῆς τοσαύτης μεταβολῆς ἐγένετο ἡ πάντων κρατοῦσα Ρώμη, πρὸς ἑαυτὴν ἀναγκάζουσα τὰς ὅλας πόλεις ἀποβλέπειν· καὶ ταύτης τ’ αὐτῆς οἱ δυνασ­τεύοντες, κατ’ ἀρετὴν καὶ ἀπὸ τοῦ κρατίστου τὰ κοινὰ διοικοῦντες, εὐπαιδευτοι πάνυ καὶ γενναῖοι τὰς κρίσεις γενόμενοι· ὑφ’ ὧν κοσμούμενον τὸ τε φρόνιμον τῆς πόλεως μέρος ἔτι μᾶλλον ἐπιδέδωκε καὶ τὸ ἀνόητον ἠνάγκασται νοῦν ἔχειν.