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CHAPITRE II. — D’AUGUSTE À DOMITIEN

tres écrits ne sont que des études isolées, qui tournent autour des mêmes idées, plutôt qu’elles ne développent une doctrine suivie et personnelle.

Comme théoricien de l’art d’écrire et comme critique, Denys procède de tous ses devanciers, des érudits d’Alexandrie et de Pergame, et aussi des philosophes péripatéticiens. Il a pris aux premiers, outre un grand nombre d’observations de détail[1], les méthodes même de la critique d’authenticité ; aux seconds, leur nomenclature technique et les idées qui s’y rattachaient. Mais, en remontant jusqu’à Aristote et à Théophraste, dont il dut particulièrement mettre à profit les études sur le style, il a donné peut-être à la critique, — autant du moins que nous pouvons en juger aujourd’hui — plus de valeur littéraire. Comme les péripatéticiens, il entrevoit l’importance de l’histoire dans l’appréciation des écrivains et de leurs relations mutuelles ; il fixe des dates, il distingue des âges successifs ; mais, pas plus qu’eux, il ne sait tirer parti de ses connaissances historiques pour étudier dans le détail les transformations morales de chaque auteur, les progrès ou le déclin de son talent, pour le remettre dans son milieu, pour rechercher ce que son œuvre a dû aux circonstances. La psychologie d’ailleurs ne lui fait pas moins défaut que l’histoire. Jamais il ne songe à chercher l’homme dans l’écrivain, encore moins à expliquer l’un par l’autre. Par suite, sa critique reste sèche et scolastique : chaque genre a pour lui des règles (κανόνες)[2] et comporte un certain nombre de qualités, les unes nécessaires, les autres simplement utiles ou agréables, qui sont cataloguées dans sa tête, comme elles l’étaient dans les traités spéciaux. Étudier un écrivain, de la façon qu’il l’entend, c’est donc se poser

  1. Voir sur ce point l’Épilogue d’Usener dans son édition du Περὶ μιμήσεως ; et, en général, sur Denys critique, Egger, Hist. de la Crit., p. 257.
  2. Voy. Caractère de Thucydide, ch. xxxiv, fin.