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CHAPITRE II. — D’AUGUSTE À DOMITIEN

phrase, voilà justement ce que Denys fait le moins ressortir.

Ces défauts, il faut l’avouer, sont de nature à rebuter un lecteur moderne. Mais il ne semble pas qu’ils aient été aperçus de même par les contemporains, ni, à plus forte raison, par les rhéteurs des âges suivants. Les uns et les autres appréciaient avec raison l’érudition de Denys, la justesse de son esprit, sa finesse dans le discernement des ressemblances et des différences, la solidité de sa doctrine, son goût dans le choix des exemples. De plus, ils se sentaient touchés, comme nous et plus que nous, par la vivacité de ses admirations, par cette sorte de foi communicative, qui faisait de lui le défenseur des traditions classiques. Ainsi s’explique la grande autorité dont il semble avoir joui dans son milieu et qui s’est perpétuée ensuite dans les écoles[1]. Quant à son influence immédiate, qu’il ne faut pas exagérer, elle fut certainement utile. Il contribua, pour une certaine part, à cette amélioration générale du goût et à cette sorte de restauration du souci de bien écrire, qui se manifesta alors dans le monde grec[2].

IV

Persuadé qu’il possédait à fond les secrets du style, Denys eut l’ambition de les mettre en pratique dans une composition historique de longue haleine. Ce fut

  1. On a vu plus haut que Quintilien le cite avec honneur. Chez les Byzantins, il était devenu tout à fait grand homme. Un rhéteur du xie siècle, Doxopater, l’appelle Διονύσιος ὁ μέγας, ὁ τῆς ἡμετέρας τέχνης καθηγητὴς καὶ πατήρ ἀγαθὸς γενόμενος (Rhet. gr. de Walz, t. VI, p. 17, 9).
  2. Voyez F. Blass, Die griechische Beredsamkeit in dem Zeitraum von Alexander bis auf Augustus, Berlin, 1865, ch. vi.