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CHAPITRE II. — D’AUGUSTE À DOMITIEN

est liée à celle du cœur et de l’esprit (ch. 9). Et c’est un honneur pour ce Grec distingué de s’être rencontré en cela avec Tacite, et d’avoir expliqué comme lui la décadence de la littérature en son temps par l’affaiblissement des caractères et l’amollissement des mœurs (ch. 41).

Nous ne savons guère quel fut le succès de ce traité dans l’antiquité. Mais il a été grand depuis la Renaissance, et il méritait de l’être. Non seulement, les humanistes modernes ont été heureux d’y retrouver quelques beaux fragments d’ouvrages perdus, mais presque tous ont été charmés des jugements de cet ancien sur les grands écrivains de l’antiquité. Casaubon l’appelait un livre d’or »[1]. Il fut traduit en latin au xvie siècle, puis en français au xviie par Boileau, et cette traduction, accompagnée de Remarques, n’a pas peu contribué à augmenter chez nous la renommée de l’ouvrage[2]. La Harpe, un siècle plus tard, l’analysait dans le second chapitre de son Cours de littérature, immédiatement après la Poétique d’Aristote, comme une des sources de toute bonne doctrine littéraire. Si de nos jours, il a cessé d’occuper à ce point l’attention, c’est surtout parce que la critique historique s’est substituée de plus en plus à la critique esthétique. Il a vieilli brusquement, avec beaucoup d’autres œuvres de même nature, sans que son mérite propre ait été pour cela méconnu des juges éclairés.

  1. Boileau, Préface.
  2. La traduction de Boileau renferme d’assez graves erreurs de sens et elle est d’ailleurs fort libre, selon la mode du temps. Mais elle a un tour très français, qui la rend agréable à lire. Les Remarques, qui étaient de Boileau, ne doivent pas être confondues avec les notes de Dacier. Quant aux Réflexions critiques sur quelques passages de Longin, elles n’ont, comme on le sait, qu’un rapport très lointain avec le Traité du sublime ; les passages de l’auteur grec n’y sont plus, pour Boileau, qu’un prétexte à intervenir dans la querelle des anciens et des modernes.