Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/401

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
383
L’HISTOIRE ET LA GÉOGRAPHIE

De tout ce qui précède, on est en droit de conclure que la critique littéraire, au premier siècle de l’Empire, fut sur le point de se constituer à l’état de genre distinct ; sous une forme étroite, il est vrai, faute de vues historiques, mais vivante pourtant et adaptée aux besoins du temps. Ce mouvement aboutit chez les Latins à l’Institution Oratoire de Quintilien. Il se perdit chez les Grecs dans la sophistique du siècle suivant.

VI

Les événements qui avaient eu pour terme la fondation de la monarchie impériale semblaient de nature à favoriser l’histoire, en un certain sens du moins. Sans doute, c’était un grave inconvénient pour elle que la suppression de la liberté. Mais, d’un autre côté, l’unité romaine permettait d’apercevoir bien plus clairement la solidarité naturelle des nations, la convergence longtemps latente des événements, et cette lente évolution qui peu à peu avait fait passer les races humaines d’un état primitif de dispersion et d’hostilité à un état final de communauté. Déjà, Polybe, avec une admirable clairvoyance, avait entrevu ce rôle nouveau de l’histoire. Le spectacle de Rome absorbant peu à peu tous les peuples lui avait donné l’idée de cette sorte d’histoire supérieure et largement humaine. Un siècle et demi plus tard, quand Auguste, maître du monde, l’organisa d’une manière qui devait paraître alors définitive, combien cette même idée ne dût-elle pas prendre de force, de netteté, d’évidence pour les esprits ouverts et réfléchis ! Imaginons en ce temps un homme de génie, observateur et philosophe, un Grec doué, pour les spéculations libres et hardies, élevé par les traditions de sa race au-dessus du point de vue annaliste el administra-