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FL. JOSEPH ; L’ANTIQUITÉ JUIVE

médiocre, très inférieur aux éloquents écrits de Philon sur le même sujet. Pour que ce livre révélât vraiment la Judée au monde gréco-romain, il eût été nécessaire que l’auteur eût eu plus fortement conscience du grand rôle que la tradition juive était appelée à jouer dans l’histoire de l’humanité. Joseph, quoique intelligent et croyant, était un esprit trop positif, trop attaché aux choses présentes, pour être capable de ces larges vues. Il fallait interpréter la Bible en penseur et en poète : il s’est contenté de la transcrire en chroniqueur[1]. — Heureusement, cette insuffisance cesse dès qu’il n’est plus enchaîné à un texte vénéré, et voilà pourquoi les derniers livres de l’ouvrage sont pour nous très supérieurs aux premiers. Lorsque Joseph redevient vraiment historien, il retrouve ses qualités. Le caractère et la politique d’Hérode le Grand sont bien étudiés et bien exposés. Le narrateur est un homme de sens, qui comprend les affaires et la politique, qui connaît les passions humaines, sait démêler les intrigues et mettre en lumière les motifs des actions. Son récit, bien qu’un peu long, a du mouvement, parce qu’il est conduit avec ordre et marche constamment à sa fin ; et les tragédies de palais, causées par l’humeur soupçonneuse et jalouse du vieux roi, en rompent dramatiquement la monotonie. Hérode et Mariamne, Antipater et les fils de Mariamne, sont des figures vivantes, qui ont été presque populaires chez nous au xviie siècle, grâce à l’influence du théâtre, inspiré par l’historien juif[2]. En outre, cette partie de l’ou-

  1. Sa pensée dominante est de démontrer que Dieu récompense matériellement ceux qui lui sont fidèles et punit ceux qui l’oublient : voilà, selon lui, la principale leçon à tirer de ce qu’il raconte (Préface, ch. iii).
  2. C’est au XVIIIe l. de l’Antiquité juive (ch. iii, § 3) que se trouve le passage célèbre sur Jésus. Ces quelques lignes, qui ne se rattachent ni à ce qui précède, ni à ce qui suit, semblent résulter du mélange de plusieurs interpolations superposées. — L’Antiquité