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ÉPICTÈTE ; SA VIE


encore esclave, put suivre les leçons du noble stoïcien Musonius Rufus, dont nous avons parlé précédemment. Musonius, avec sa manière originale, mélangée de rudesse et d’affection, prit un ascendant prompt et décisif sur cette nature ardente. Le stoïcisme devint pour Épictète la formule même de la vie. Nous ne pouvons dire quand il fut affranchi ni à quel moment il commence lui-même à enseigner. Il est probable toutefois qu’il vécut à Rome sous Vespasien et Titus, et au début du règne de Domitien[1]. Quand celui-ci fit rendre un sénatus-consulte qui expulsait les philosophes de Rome et de l’Italie (94 ap. J.-C.), Épictète se retira en Épire à Nicopolis[2]. C’est là qu’il semble avoir vécu désormais, sous Domitien, Nerva, Trajan et dans les premières années du règne d’Adrien, jusque vers 125 environ[3]. Bien qu’il y menât l’existence d’un pauvre et qu’il n’eût point de famille, il fut loin d’y demeurer ignoré. De nombreux disciples l’entouraient, des visiteurs s’arrêtaient pour le voir ; sa réputation s’étendait au loin, et son mérite frappait tous ceux qui l’approchaient. Parmi ces disciples, se trouva, dans les dernières années du règne de Trajan probablement, le jeune Bithynien Arrien, de Nicomédie, à qui nous devons les Entretiens et le Manuel, où revit la physionomie d’Épictète ; celui-ci, quand Arrien le connut, était vieux, mais il restait singulièrement jeune par la vivacité de l’esprit et l’énergie de la volonté.

  1. Simplicius (Comment. sur le Manuel, ch. IX) nous parle de sa maison à Rome.
  2. A.-Gelle, XV, 11. Simplicius, ouv. cité, même chap.
  3. Schenkl le fait vivre jusque vers 140. Mais il faut alors reculer la date de sa naissance et admettre qu’il fréquenta Musonius sous Vespasien seulement ; or, bon nombre des souvenirs d’Épictète, rappelés dans les Entretiens, se rapportent manifestement au temps de Néron. D’ailleurs, la chronologie de la vie d’Arrien s’oppose également à cette hypothèse. (Voir plus loin, ch. V.)