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DION DE PRUSE ; SA VIE

Cette période de misère prit fin en 96, par la mort de Domitien. Le nouvel empereur, Nerva, connaissait Dion et l’aimait depuis longtemps[1]. Peut-être celui-ci venait-il de contribuer à le faire reconnaître par les légions du Danube[2]. En tout cas, l’exilé rentra triomphalement dans sa patrie, et peu après se rendit à Rome, pour y saluer son tout-puissant ami. Il y tomba gravement malade, et Nerva mourut, sans que Dion eût pu mettre à profit sa bienveillance[3].

Alors commença, dans la vie de Dion, une dernière période, qui semble avoir duré à peu près autant que le règne de Trajan, et qui fut la plus active et la plus brillante. Revenu à Pruse, il y avait rétabli ses affaires[4], et s’il eut plus d’une fois des ennuis avec ses concitoyens, à propos de constructions dont il s’était chargé, ce ne furent en somme que de légers tracas sans conséquences graves[5]. En changeant de fortune, il ne changea pas de caractère ; il était devenu philosophe dans l’affliction,

    ἀλλ’ ἐρεθίζων ἄντικρυς καὶ τὰ προσόντα κακὰ Δι’ οὐ μέλλων νῦν ἐρεῖν ἤ γράφειν, ἀλλὰ εἰρηκὼς ἤδη καὶ γεγραφώς, καὶ τούτων πανταχῆ τῶν λόγων καὶ τῶν γραμμάτων ὄντων. L’allusion, comme on le voit, est très précise. Elle me paraît désigner, comme l’a pensé Emperius, le discours περὶ τυραννίδος, où l’auteur, sous le nom de Diogène exilé et errant, fait une vive critique de la tyrannie.

  1. Or. 45 : Αὐτοκράτορος φιλανθρώπου κἀμὲ ἀγαπῶντος καὶ πάλαι φίλου. Le surnom de Cocceianus, que Dion prit sans doute quand il devint citoyen romain, se rattache évidemment à ses relations d’amitié avec la gens Cocceia, dont Nerva faisait partie. H. v. Arnim, p. 125.
  2. Voyez le récit de Philostrate, pass. cité ; cela est manifestement arrangé, mais il peut y avoir un fond de vérité, quoique Dion lui-même n’en parle nulle part. H. v. Arnim, p. 309, le tient pour vrai.
  3. Or. 45 : Τελευτήσαντος δὲ ἐκείνου (Domitien) καὶ τῆς μεταβολῆς γενομένης, ἀνῄειν πρὸς τὸν βέλτιστον Νέρβαν· ὑπὸ δὲ νόσου χαλεπῆς κατασχεθεὶς ὅλον ἐκεῖνον ἐζημιώθην τὸν καιρὸν.
  4. Or. 44.
  5. Pline, Epist., l. X, ep. 28. Cf. Or. 41 ; et aussi Or. 45 et 50. H. v. Arnim, p. 340 et suiv., p. 513 et suiv.