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CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

une âme généreuse, très éprise de belle morale et de belle religion. Il lui semble grand et bon de dégager ses contemporains de l’égoïsme, de la frivolité, des passions sensuelles, et de les élever : vers un idéal de dignité ; il aime à leur montrer les illusions qui les rapetissent et qui les troublent, à leur faire voir combien la vie serait meilleure, si elle était plus simple, occupée des choses qui ont vraiment du prix, éclairée par la réflexion, apaisée par l’humanité, embellie par l’idée de Dieu. Voilà dans quel esprit il reproche aux Alexandrins leur passion effrénée pour les jeux et leur turbulence parfois cruelle[1] ; aux gens de Tarse, le laisser-aller de leurs mœurs, leur mauvaise tenue, leurs chansons licencieuses[2] ; aux habitants de Célènes, leur vanité et le prix qu’ils attachent à la richesse[3] ; aux Ciliciens, leur aveuglement, qui les empêche de voir que l’homme a en lui-même le moyen de se rendre libre, en réprimant ses désirs[4]. Sa pensée est encore la même, lorsqu’il retrace, dans son Euboïque[5], le tableau de la vie simple et naïve de deux pauvres chasseurs, isolés dans les montagnes de l’Eubée et vivant là, ignorés et contents de peu, sans besoins et sans convoitises. Dans l’Olympique[6], c’est de religion qu’il traite, car il fait exposer par Phidias lui-même, dans une apologie fictive, sa conception de Dieu ; mais cette religion est pleine de morale, puisqu’il découvre et montre dans ce Zeus idéal les plus nobles vertus de l’humanité. Le Borysthénitique lui-même[7], malgré la fantaisie très libre du mythe cosmologique que Dion prétend avoir raconté à ses naïfs auditeurs de Borysthénis,

  1. Or. 32 : Πρὸς Ἀλεξανδρεῖς.
  2. Or. 33 : Ταρσικὸς πρῶτος.
  3. Or. 35 : Ἐν Κελαίναις τῆς Φρυγίας.
  4. Or. 80 : Περὶ ἐλευθερίας.
  5. Or. 7 : Εὐβοϊκός.
  6. Or. 12 : Ὀλυμπικός.
  7. Or. 36 : Βορυσθενιτικός.