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PLUTARQUE ; SA VIE

lège sacerdotal de Delphes ; heureux évidemment de se rattacher ainsi, d’une manière étroite, à un culte qui rappelait toute l’histoire de la Grèce. Ses rapports avec les empereurs restent enveloppés de quelque obscurité. Il est possible que Trajan lui ait conféré, à titre honorifique, la dignité consulaire ; et il est possible aussi que le même empereur et son successeur, Adrien, aient recommandé aux gouverneurs d’Achaïe de prendre ses conseils, quand ils en auraient l’occasion ; mais les témoignages sur ces deux points n’ont rien de certain[1]. Ce qui n’est pas douteux, c’est que la vieillesse de Plutarque fut entourée d’une grande et légitime considération. Lorsqu’il mourut, probablement sous le règne d’Adrien, vers l’an 125, il aurait pu se rendre à lui-même ce témoignage, qu’il avait grandement honoré la Grèce par sa vie et par ses écrits, et cela, parce qu’il avait été naturellement fidèle à l’idéal national, fait de mesure, de beauté et d’harmonie.

Son rôle, comme écrivain, ne peut être bien apprécié qu’à la condition de se le représenter au milieu de tous ceux qu’il a connus, et dont il a été l’ami, le conseiller, ou le maître. Si on relevait tous les noms qui figurent dans ses écrits, cette liste, bien qu’incomplète, puisque nous ne possédons pas toutes ses œuvres, donnerait à elle seule une idée nette de l’influence qu’il a exercée. Dans cette société, mélangée et dispersée, qui n’avait plus de centre intellectuel et moral, un homme tel que lui rendait un service constant à l’humanité intelligente, par sa seule présence. Il était pour un grand nombre de ses contemporains, grecs ou romains hellénisants, l’interprète autorisé du passé hellénique, de son histoire, de sa religion, de sa morale, de sa science. Et ce passé, il ne l’interprétait pas comme une chose morte. Son rôle,

  1. Suidas, Πλούταρχος.