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CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

quées, par ce temple où il a mis son verbe, par cette discussion même, savante et libre en sa piété, dont il a été l’inspirateur et le sujet.

Il y a plus de curiosité inquiète, tout au moins plus de préoccupation des doutes contemporains, dans la discussion sur les Oracles de la Pythie. Pourquoi le dieu, qui parlait en vers, lorsque la Grèce était grande, parle-t-il en prose aux contemporains de l’auteur ? À cette question embarrassante et qui pourrait aller loin, les réponses sont nombreuses et variées. Tous ces Grecs de Plutarque sont ingénieux et inventifs. D’ailleurs, les solutions importent moins pour nous que le ton même du dialogue et sa direction générale. Du point qui nous semble essentiel, il n’est pas même question. Aucun des personnages ne met en doute la réalité des oracles. Que cette antique révélation divine ait pu n’être qu’une longue fourberie, ou tout au moins une illusion puérile, voilà ce qu’ils ne veulent pas même énoncer. Ces propos d’impies sont ignorés de parti pris ; nulle part, on ne les discute directement. Tout au plus, peut-on dire qu’on les prévient par les raisons qu’on imagine. Pour nous, cela donne à tout l’entretien quelque chose d’enfantin, si nous le lisons tant soit peu en philosophes. Mais peut-être n’est-ce pas le vrai moyen de le comprendre : il faut y assister en spectateurs sympathiques, en amis des vieilles choses grecques : alors, on sera charmé de voir avec combien d’esprit ces honnêtes gens s’entretenaient eux-mêmes dans des illusions aimées, qui tenaient à l’âme de la patrie.

Le dialogue Sur la cessation des oracles, auquel s’appliquent en partie les mêmes réflexions, doit son intérêt particulier au grand rôle qu’y jouent les génies ou démons. Il y a là de curieuses explications, accompagnées de récits merveilleux, sur ces êtres intermédiaires entre Dieu et l’homme, bons ou mauvais, sujets aux pas-