Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/528

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
510
CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

pauvres, trop incertains, pour alimenter une religion digne de ce nom ; ils ne prennent leur valeur véritable que par les interprétations qu’on en donne. Parmi ces interprétations, il faut, selon lui, rejeter celles qui, sous couleur d’expliquer les faits traditionnels, leur ôtent tout caractère divin. Au contraire, il convient d’accepter et de synthétiser toutes celles qui, derrière des récits antiques, découvrent la puissance divine en action. Ainsi le mythe, pour Plutarque, semble être à la fois réel et symbolique : réel dans une mesure vague, que nul ne peut déterminer exactement ; symbolique, suivant les forces de l’esprit qui l’interprète et qui, en s’aidant des traditions, des rites, des étymologies, et aussi de la libre spéculation, en dégage de hautes significations philosophiques. Pour sa part, il retrouve dans le mythe d’Isis la conception dualistique de Platon, où Dieu s’oppose à la matière. Méthode applicable, suivant lui, à toutes les religions : car toutes, en ce qu’elles ont de sain, ne sont que des formes locales, héréditaires, d’une même croyance universelle, des manières diverses de proclamer les mêmes vérités. Et la sagesse est pour chacun de rester fidèle aux pratiques de ses pères, en remontant par la raison jusqu’aux idées simples qu’elles impliquent et que la philosophie met en lumière[1]. Voilà comment, sans sortir de l’hellénisme, ou plutôt grâce aux ressources que l’hellénisme lui offrait, il s’élève à l’idée d’une religion universelle, qui rapprocherait tous les hommes, sans les arracher à leurs cultes particuliers.


Si nous embrassons maintenant d’un seul regard toute cette philosophie religieuse, il est difficile de nier qu’elle n’enferme bien des contradictions. Elle tend manifestement à épurer le polythéisme traditionnel, à le mettre

  1. Voy. surtout ch. lxvii et lxvii.