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PLUTARQUE ; SES ÉCRITS RELIGIEUX

de plus en plus d’accord avec la science et la conscience. Mais, en même temps, elle veut en conserver tout l’essentiel, la divination, la pluralité et la hiérarchie des dieux, leur intervention surnaturelle dans les choses humaines. Crédulité et rationalisme s’y mélangent donc étrangement. D’ailleurs, elle ne forme pas un système arrêté, complet, bien lié dans ses parties : c’est plutôt un assemblage d’idées réellement divergentes, qui s’unissent malgré elles dans un dessein général de progrès sage el de conciliation. Une telle doctrine dépassait évidemment la portée de la foule ; elle ne pouvait convenir ni aux ignorants, ni aux impatients ; elle était surtout trop prudente et trop réfléchie pour le nombre toujours croissant de ceux qui couraient au mysticisme. Aussi ne marque-t-elle dans le paganisme qu’une étape, avant l’avénement du néoplatonisme. Ce qu’on doit dire à sa louange, c’est qu’aux esprits modérés qui l’ont reçue et goûtée, elle a dû donner une satisfaction intime, en leur laissant croire que l’hellénisme était encore capable de s’élargir, sans se détruire lui-même, et de suffire par conséquent aux besoins de l’humanité.

On pourrait joindre à ces ouvrages de théologie un certain nombre d’écrits relatifs aux sciences naturelles[1] ; car la nature, pour Plutarque, étant l’œuvre de Dieu, est à la fois la manifestation de sa puissance et celle de sa pensée. Mais ces traités n’ont pas un rapport assez direct à l’histoire littéraire, pour qu’il soit à propos de les étudier ici. Passons donc directement aux œuvres proprement morales.

  1. Surtout le traité sur le Froid primitif, dédié à Favorinus, Sur Le visage qu’on voit dans la lune, Sur l’utilité du feu et de l’eau, etc. Les Questions naturelles sont un ouvrage sans valeur, qui ne peut être attribué à Plutarque.