Page:Croiset - Histoire de la littérature grecque, t5.djvu/538

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
520
CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

dire du moins qu’il y tend, d’une manière plus ou moins consciente, par l’ensemble de ses écrits.

Développant ainsi ses facultés de cœur et d’esprit dans la famille et dans la société, comment l’homme, tel que le veut Plutarque, se refuserait-il à la cité ? Sur ce point, il n’a jamais eu d’hésitation. Sans la moindre ambition personnelle et très heureux dans sa petite ville, il n’admet pas qu’on fasse de la philosophie pour soi et qu’on se désintéresse des choses publiques. Il enseigne que le philosophe doit être libéral de ses conseils et s’attacher, s’il en a l’occasion, à ceux qui ont le pouvoir[1]. Et, d’autre part, il n’hésite pas à dire aux princes et aux hommes puissants, qu’ils doivent appeler à eux les philosophes, car ils ne peuvent se passer de philosophie[2]. Lorsqu’un jeune homme qui se destine à la vie publique le consulte, il le pourvoit de bons conseils (Πολιτικὰ παραγγέλματα) ; et lorsqu’un vieillard de ses amis songe à quitter ses charges, il lui montre amicalement que l’âge n’empêche pas de rendre bien des services (Εἰ πρεσβυτέρῳ πολιτευτέον).

Dans ces ouvrages, Plutarque ne fait pas de politique théorique, et, en les écrivant, il n’a rien apporté de neuf à la science sociale. Ce qui est intéressant, c’est de voir comment ce moraliste, si plein de sens, exerce, dans un ordre d’idées qui semble étranger à sa vie ordinaire, ses qualités de tact, de clairvoyance pratique, de modération active. Il a une intuition très juste des difficultés de la vie publique, à la fois de celles qui sont de tous les temps, et de celles qui étaient spéciales aux Grecs de son siècle ; ses Préceptes politiques sont pleins de prévision, d’aver-

  1. Ὅτι μάλιστα τοῖς ἡγεμόσι δεῖ τὸν φιλόσοφον διαλέγεσθαι, écrit dont nous n’avons plus qu’un abrégé formé d’extraits.
  2. Πρὸς ἡγεμόνα ἀπαίδευτον, simple fragment d’un écrit dont le vrai titre devait être : Que la philosophie est indispensable à ceux qui ont le pouvoir.