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PLUTARQUE ; SES ŒUVRES MORALES

tissements utiles, d’expérience réfléchie, et on y sent, dans les passages qui s’y prêtent, un patriotisme quelque peu désabusé, mais profond. Dans le secret de son cœur, Plutarque aime la vie publique, ou il croit l’aimer. Il ne peut s’empêcher d’y voir un beau déploiement de facultés diverses, des services à rendre, de la renommée à gagner. Et puis, cela est conforme à la tradition grecque. Nul sujet ne lui fournit plus d’occasions d’appuyer ses conseils d’exemples et de souvenirs, nul n’évoque plus naturellement et à tout propos ce passé qu’il aime, ces hommes d’autrefois qu’il admire, toute cette vivante matière historique qu’il porte en lui-même, dans sa mémoire et dans son cœur. Et il se peut bien que, malgré son sens juste, il voie quelquefois les choses du présent à travers l’illusion de ce passé, qu’il les grossisse et les embellisse ; mais qu’importe ? le mérite de ses conseils à nos yeux n’est-il pas surtout de nous représenter un curieux état d’esprit, qui le caractérise et qui nous touche ?


On peut associer à ces traités de morale les quelques ouvrages de critique littéraire que Plutarque a composés. Car si plusieurs d’entre eux sont surtout des livres d’érudition, on ne peut méconnaître cependant que l’esthétique de Plutarque, en général, est étroitement dominée par des vues morales. Il avait commenté plusieurs poètes : Homère d’abord, dans ses Ὁμηρικαὶ μελέται, en plusieurs livres[1], dont il nous reste seulement quelques fragments ; puis les Travaux et les Jours d’Hésiode, en mêlant les notes du curieux aux observations du moraliste, comme on peut en juger par les citations qu’en font Tzetzès et Proclos. Il annota aussi, mais surtout à un point de vue scientifique, les Pronostics d’Aratos et

  1. Aulu-Gelle, II, 8 : … Secundo librorum quos de Homero composuit.