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CHAP. III. — RENAISSANCE AU IIe SIÈCLE

possédait pas autant que cela eût été désirable. Curieux des petites choses, il aimait ceux des historiens qui satisfaisaient son goût. Les commérages d’Éphore ne lui semblaient pas à dédaigner, à côté des vues politiques de Thucydide. Il ne se résignait ni à laisser tomber les médisances, ou les propos légers, ni même à les réduire à leur juste valeur. En face des témoignages divergents, son jugement, un peu candide, hésitait ; et, pour être juste, il prenait de tout côté, sans s’apercevoir que les divers morceaux qu’il assemblait ainsi ne s’ajustaient pas ensemble. De là, une certaine indécision dans l’appréciation des hommes politiques, mêlés aux luttes des partis, tels que Périclès, Démosthène, Cicéron. Son esprit n’était pas assez vigoureux pour élaguer résolument tout ce qu’une crédulité bavarde avait raconté sur eux. Ainsi, l’image totale demeurait molle et confuse dans sa conception, et elle apparaît de même dans son récit.

Ce défaut naturel de critique a été aggravé par une rapidité de composition trop visible. Après avoir lu ses auteurs, Plutarque, en face des témoignages amassés, ne prenait pas toujours le temps de bien établir la trame de son récit. Une fois engagé dans sa narration, il lui arrivait de se contredire sans même s’en apercevoir. Faute d’une révision attentive, il laissait ensuite subsister ces contradictions ; elles ne sont pas rares dans les Vies parallèles[1]. La chronologie surtout en offre de nombreux exemples. D’une manière générale d’ailleurs, elle est fort négligée par Plutarque ; souvent même, il la passe entièrement sous silence ; car il estime qu’elle n’importe guère à son dessein, qui est plus moral qu’historique.

La parallélisme, qui est le trait caractéristique de la méthode d’exposition de Plutarque, n’était pas non plus

  1. Voir Michaelis, ouv. cité, p. 8 et 9.