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CHAP. IV. — SOPHISTIQUE SOUS LES ANTONINS

opinion, elle provenait d’un sentiment juste des extravagances du temps, et elle a pu contribuer en quelque mesure à les discréditer[1].

Aristide, si admiré qu’il fût, n’eut guère d’élèves à proprement parler et ne fit pas école ; on trouvait son art trop difficile à pratiquer. Mais ses discours lui survécurent et rencontrèrent des admirateurs passionnés dans les siècles suivants[2]. Libanios doit être nommé parmi les plus fervents, ainsi que son contemporain Himérios[3] ; tout le moyen-âge byzantin partagea leurs sentiments ; les scolies et prolégomènes qui sont venus jusqu’à nous attestent combien ses œuvres furent étudiées alors dans les écoles. Les plus lues étaient le Panathénaïque et le discours Pour les quatre, où l’on trouvait, sous une forme oratoire, tout un résumé de l’histoire d’Athènes ; puis les deux discours Pour la rhétorique, où était loué l’art le plus en faveur auprès des héritiers de l’hellénisme. Si exagérée que nous paraisse cette réputation, elle n’était pas entièrement imméritée. Les autres sophistes de ce temps n’avaient eu en vue que le succès immédiat ; leurs œuvres ont disparu, comme cela devait être, avec ceux qui les avaient applaudies. Aristide, lui, unissant à un talent de forme au moins égal une tendance d’esprit plus réfléchie, s’était préoccupé davantage

  1. Longin, fragm. 12 (Spengel, Rhet., Græci, I, p. 396) le considère comme celui qui a réprimé, dans l’éloquence, la mollesse qui était à la mode en Asie : τὴν πλεονάσασαν περὶ τὴν Ἀσίαν ἔκλυσιν ἀνεκτήσατο Ἀριστείδης· συνεχῶς γὰρ ἐστι καὶ ῥέων καὶ πιθανός. Par le mot ῥέων, Longin semble opposer la continuité du discours, la suite logique de la démonstration (πιθανός), aux traits incohérents et sans suite. Cf. Prolég. Dindorf, p. 741, 25 : Οὐδὲν ἐκ τῆς Ἀσίας ἐπεφέρετο κενὸν ἢ κοῦφον ἢ εὔηθες.
  2. Il est cité comme un classique par les auteurs de traités de l’âge suivant. Voir l’index des Rhet. gr. de Spengel.
  3. Voir les témoignages recueillis dans le t. III, de l’éd. Dindorf, p. 772 et suiv. — Eunape, dans la vie d’Himérios, l’appelle ὁ θεῖος Ἀριστείδης. — Cf. Pauly-Wissowa, I, col. 892.