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LUCIEN ; SA VIE

qui devait un jour écrire en grec avec plus d’aisance, de grâce et de pureté qu’aucun de ses contemporains, il parla d’abord syrien. Ses parents étaient d’humbles gens, qui le destinaient à un métier manuel. Comme il se montrait habile, tout enfant, à façonner de petites figures de cire, on le mit en apprentissage chez un oncle maternel, fabricant de statuettes. Son ambition visait plus haut. À la suite de quelque maladresse d’apprenti, une scène violente eut lieu entre l’oncle et le neveu ; cela décida de son avenir. L’enfant obtint de ses parents qu’on le ferait étudier[1]. Nous ne savons où se fit sa première initiation à l’hellénisme ; il nous apprend seulement que son éducation s’acheva dans les écoles de rhétorique d’Ionie ; ce fut là que le jeune barbare devint, vers sa vingtième année, un Grec disert et cultivé[2]. S’il avait eu quelques maitres renommés, il s’en serait sans doute fait gloire ; il n’en a nommé aucun, probablement parce qu’aucun ne méritait d’être nommé. Mais ce vif esprit était de ceux qui vont d’eux-mêmes à la perfection. Au milieu de jeunes gens passionnés pour l’art de la parole, tout le stimulait et l’instruisait : il lut, il écouta, il s’exerça, il s’assimila tout ce qui s’offrait à lui ; ce fut une rapide et complète transformation, qui d’ailleurs n’altéra point en lui l’originalité native.

On lit dans Suidas qu’il fut avocat à Antioche[3]. C’est par là peut-être qu’il débuta, vers 25 ans et il put reprendre ce métier par occasion entre ses voyages. Toutefois, comme il a oublié d’en parler dans un passage

  1. Pour tout ceci, voir Songe, 1-16.
  2. Double accusation. 21. La Rhétorique dit : Τουτονὶ κομιδῆ μειράκιον ὄντα, βάρβαρον ἔτι τὴν φωνὴν καὶ μονονουχὶ κάνδυν ἐνδεδυκότα ἐς τὸν Ἀσσύριον τρόπον, περὶ Ἰωνίαν εὑροῦσα πλαζόμενον ἔτι καὶ ὅ τι χρήσαιτο ἑαυτῷ οὐκ εἰδότα παραλαβοῦσα ἐπαίδευσα. — 30. Lucien répond : Καὶ γὰρ ἐπαίδευσε καὶ συναπεδήμησε καὶ ἐς τοὺς Ἕλληνας ἐνέργαψε.
  3. Suidas, p. c. Ἦν δὲ οὖτος τὸ πρὶν δικηγόρος ἐν Ἀντιοχείᾳ τῆς Συρίας, δυσπραγήσας δ’ἐν τούτῳ ἐπὶ τὸ λογογραφεῖν ἐτράπη.