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CHAP. IV. — SOPHISTIQUE SOUS LES ANTONINS

ses succès, à ce qu’il semble, lui rapportaient plus de renommée que de profit matériel. La vieillesse approchant, il se remet à voyager.

Quelques écrits de ce temps nous le montrent allant comme autrefois de ville en ville et donnant des séances littéraires[1]. Il y relisait ordinairement les légères et piquantes compositions qui avaient tant amusé les Athéniens ; mais, autant que nous pouvons en juger, il n’en créait plus guère de nouvelles ; le genre s’était épuisé entre ses mains, sans que son imagination eût rien perdu de sa vivacité. Dès lors, il était naturel qu’il se laissât tenter par une condition de vie plus stable. L’occasion s’en offrit à lui sous la forme d’une charge publique. Dans une de ses dernières confidences[2], il nous apprend, en s’en excusant spirituellement, qu’il est haut fonctionnaire en Égypte, assistant du gouverneur romain pour la direction des affaires judiciaires. Il avait l’ambition d’aller plus loin encore : d’autres Grecs avant lui étaient devenus gouverneurs de provinces ; une si brillante fortune ne lui paraissait plus impossible[3]. Ses espérances ne se réalisèrent pas. Nous le perdons de vue à partir de ce temps ; ce qui donne lieu de supposer qu’il mourut dans ses fonctions, probablement vers la fin du règne de Commode, c’est-à-dire peu avant 192. Suidas rapporte qu’il fut déchiré par des chiens ; il a pris pour des chiens les Cyniques (οἱ κύνες), que Lucien avait cruellement fouaillés à plusieurs reprises, et qui à leur tour l’avaient mordu à belles dents, sans qu’il s’en portât d’ailleurs plus mal[4].

  1. Dionysos, 6 ; Hercule, 7 ; Excuse pour un mot dit de travers, 1.
  2. Apologie pour les salariés, c. 9-12.
  3. Ibid., 12 : Καὶ τὰ μετὰ ταῦτα δὲ οὐ φαῦλαι ἐλπίδες, εἰ τὰ εἰκότα γίγνοιτο, ἀλλ’ ἔθνος ἐπιτραπῆναι ἤ τινας ἄλλας πράξεις βασιλικάς.
  4. Lors de la mort de Peregrinus, il avait failli, nous dit-il en riant, être déchiré par eux. Peregr., c. 2 : Καὶ τὰ μετὰ ταῦτα δὲ οὐ φαῦλαι ἐλπίδες, εἰ τὰ εἰκότα γίγνοιτο, ἀλλ’ ἔθνος ἐπιτραπῆναι ἤ τινας ἄλλας πράξεις βασιλικάς.