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CHAPITRE II. — PHILOSOPHIE AU IIIe SIÈCLE

un genre littéraire, la satire « Ménippée. » Il naquit à Gadara, en Cœlésyrie[1]. Il était, dit-on, d’origine phénicienne et de condition servile, lui aussi : ces cyniques effrontés sont souvent d’anciens esclaves, des Scapins philosophes. Celui-ci vint d’abord à Sinope, avec un de ses maîtres. Affranchi on ne sait comment, il pratiqua l’usure avec âpreté et s’enrichit. Puis il perdit sa fortune et se tua de désespoir. Il vivait à la fin du ive siècle et au commencement du iiie. Les anciens citaient sous son nom divers ouvrages, attribués par quelques-uns à un certain Dionysios (ou à Zopyros de Kolophon), qui les aurait mis par dérision sous le nom de Ménippe. Quoi qu’il en soit de ce problème aujourd’hui insoluble, les écrits attribués à Ménippe eurent un grand succès. C’étaient une Νέκυια, parodie d’Homère ; des Testaments où il se moquait sans doute de quelques testaments des philosophes ; des Lettres où il mettait les dieux en scène ; une Naissance d’Épicure (Ἐπικούρου γοναί) ; divers ouvrages contre les physiciens et les savants ; les Εἰκάδες (vingtaines ?) ; etc. On sait que Varron et Lucien furent des imitateurs de Ménippe. Il servit tout de suite de modèle à son compatriote et contemporain, Méléagre, que nous retrouverons parmi les poëtes. La nouveauté des écrits de Ménippe consistait avant tout dans un mélange burlesque de la prose et des vers, qui fut reproduit par Varron[2]. Mais le mérite essentiel en était une verve audacieuse et spirituelle, qui ne respectait rien et dont Lucien nous donne probablement l’idée la plus exacte. La perte des écrits de Ménippe est probablement une des plus regrettables de la littérature de cette période.

  1. Diog. L., VI, 99-101. — Cf. Wildenow, De Menippo cynico, Halle, 1881. Fragments dans Wachsmuth, Sillogr. gr. reliq. p. 78-81. V. aussi Rowe, Quo jure Horatius in Saluris Menippum imitatus esse dicatur, Halle, 1888 (Susemihl, I, p. 44 et suiv.).
  2. Cf. Lucien, Doubl. accus., 33.