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CHAPITRE II. — PHILOSOPHIE AU IIIe SIÈCLE

Ainsi armée de méthode, la raison humaine conçoit l’ensemble des choses ; elle construit une physique ou science de l’être. La physique stoïcienne doit beaucoup à celle d’Héraclite, mais elle y mêle des idées religieuses qui viennent du socratisme. Tout ce qui existe est matière. Mais la matière est double : elle comprend un élément actif (τὸ ποιοῦν) et un élément passif (τὸ πάσχον). Celui-ci est inerte ; c’est la matière proprement dite (ὕλη). L’autre est un souffle igné (πνεῦμα πυροειδές), une force intelligente, un λόγος. L’association des deux principes est partout. Dans l’individu, le principe igné qui anime le corps s’appelle l’âme (ψυχὴ). Dans le monde, il s’appelle Dieu. Dieu est l’âme du monde. Dans cette association, c’est le principe intelligent et actif, âme ou Dieu, qui est le chef (τὸ ἡγεμονικόν). Dieu est éternel. Au dessous du Dieu éternel, âme du monde, il y a les dieux secondaires de la mythologie, âmes des astres, qui sont périssables. Le monde, qui est le corps de Dieu, se transforme sans cesse : il passe successivement par les quatre états, feu, air, eau, terre, après quoi il s’enflamme et le cycle recommence. Dieu gouverne le monde comme l’âme d’un individu gouverne son corps ; il y a une providence divine. Mais cette providence s’exerce par des lois générales (νόμος κοινός, λόγος κοινός) qui ne laissent aucune place au caprice : la loi suprême est une loi fatale (εἱμαρμένη). L’âme humaine est une parcelle de Dieu (μόριον, ἀπόσπασμα τοῦ θεοῦ). Elle survit au corps plus ou moins longtemps, selon sa qualité, mais rentre dans le tout divin au plus tard lors de la conflagration (ἐκπύρωσις) qui termine chaque période de la vie universelle.

La morale, ou science des mœurs, est en corrélation étroite avec ces principes. Tous les êtres sont poussés par un instinct naturel à leur propre conservation. Chez l’homme, cet instinct est gouverné par la raison. Or la