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ORIGINES DE LA LITTÉRATURE CHRÉTIENNE

pure que dans le christianisme. Si le style même de l’original ne se laisse plus juger aujourd’hui avec certitude, la composition du moins frappe par une certaine netteté vraiment grecque. La dialectique en est rapide, dégagée, sarcastique. Elle n’entre ni dans les objections, ni dans les difficultés ; mais elle va droit au but sans embarras, avec un ton de certitude décidée, qui était par lui-même une force en un temps où tant d’esprits flottaient sans savoir où se prendre.

Chez Aristide toutefois, l’apologie est encore un peu maigre et sèche. Celui chez qui elle s’achève au second siècle, c’est Justin. S’il ne l’a pas créée, il l’a tout au moins dotée de ses formes propres, de ses arguments et de ses lieux communs. Surtout, il a fait un effort singulièrement remarquable pour organiser la future philosophie chrétienne, en essayant de donner aux dogmes une valeur rationnelle. Et, de plus, il a mis, dans tout ce qu’il a écrit, à défaut d’un mérite littéraire élevé, du moins une sincérité, un charme de bonne foi et de bonne volonté, de bon sens naturel et de droiture, qui lui prêtent une certaine éloquence[1].

Justin, fils de Priscus, était de famille grecque[2] ; il naquit à Flavia Neapolis, en Judée, vers l’an 100. Tout ce que nous savons de sa vie se réduit à quelques faits et à quelques dates. Élevé dans le paganisme, il étudia les diverses philosophies grecques, sans y trouver de quoi se satisfaire. Toutefois, la doctrine de Platon l’attacha bien plus fortement que les autres, et c’est par elle en somme que s’est faite l’éducation de sa raison. Jeune encore, il fut gagné au christianisme ; lui-même nous a raconté, non sans charme, sa conversion, qui dut

  1. Consulter Freppel, Les Apologistes chrétiens au iie siècle : S. Justin, Paris, 1886 ; B. Aubé, De l’Apologétique chrétienne au iie siècle. S. Justin, philosophe et martyr. Paris, 1861.
  2. Notice dans Suidas, Ἰουστῖνος, et dans Photius, 125.