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CHAP. V. — HELLÉNISME ET CHRISTIANISME

divers y sont traités tour à tour, parfois à plusieurs reprises. Visiblement, nous avons affaire à un ouvrage qui a grandi jour par jour entre les mains de son auteur, selon le hasard des circonstances, à mesure que surgissaient dans son esprit des souvenirs ou des pensées nouvelles. Ce qu’il se propose, c’est de suggérer des réflexions, d’ouvrir des voies, d’instruire, de fixer certains points essentiels de doctrine. Les plus importants pour lui sont les rapports de la vérité chrétienne avec la philosophie hellénique, ceux de la science avec la foi, enfin la définition de l’idéal moral. Voilà sur quoi il revient sans cesse, sous mille formes diverses.

Quels que soient les défauts de ce vaste ensemble, le fait seul de l’avoir conçu dénote une puissance d’esprit que nous n’avions encore rencontrée chez aucun des apologistes ou docteurs chrétiens. L’auteur, au début de son Éducateur, révèle la pensée qui en constitue l’unité[1]. Il a organisé un plan, et il le suit autant que sa nature d’esprit le lui permet. Son entreprise est une sorte d’initiation progressive, qui doit mener l’âme depuis le paganisme jusqu’au degré supérieur de la perfection chrétienne, en passant par certaines phases nécessaires. Or c’est là une idée empruntée à la philosophie grecque, en particulier à celle de Platon. En faire l’application au christianisme, qui jusque là semblait ne relever que d’une révélation immédiate, c’était lui donner une direction nouvelle, en le poussant dans la voie de l’étude et de la réflexion. Telle était bien, en effet, la pensée de Clément, et cette pensée profonde lui prête une grandeur qui ne peut sans injustice être contestée. Ses prédécesseurs, même Justin, n’avaient été que des apologistes, plus ou moins bien inspirés : Il est, lui, un fondateur : car toute la philosophie du christianisme,

  1. Pédag., c. 1.