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ÉLIEN

au fond un pauvre esprit. Incapable de penser par lui-même sur les grands sujets, il se fit une spécialité de recueillir partout des historiettes, phénomènes naturels, prodiges, merveilles de toute sorte, pour les grouper, en guise de démonstration, autour de certains thèmes, qui constituaient pour lui des croyances. Ainsi furent composés ses deux traités perdus Sur la Providence (Περὶ προνοίας) et Sur les Évidences divines (Περὶ θείων ἐναργειῶν). Autant que nous pouvons en juger par une trentaine de fragments, c’étaient deux séries de petites histoires dévotes, prises un peu partout, particulièrement sans doute chez Chrysippe, acceptées d’ailleurs sans critique et assemblées sans discussion. L’auteur y racontait avec une satisfaction naïve les châtiments des incrédules, et il s’en donnait à cœur joie d’apostropher et d’invectiver les Épicuriens, ses ennemis personnels.

C’est bien le même homme que nous retrouvons dans les dix-sept livres du traité conservé Sur les animaux (Περὶ ζῷων). Comme il nous le dit dans sa préface, il s’y est proposé de montrer qu’il y a de la sagesse, de la justice, de l’affection, du dévouement, et aussi de la jalousie, de la haine, de la cruauté chez les animaux. Voilà le point de vue d’où il les juge. Les bons et les méchants défilent devant nous, appréciés comme ils le méritent par le narrateur. On admire tour à tour le philhellénisme du héron, la tempérance du grondin, l’humanité du lynx, la fidélité conjugale du poisson ætnæos, qui, nous dit-il, ne change jamais de compagne, « sans être retenu pourtant ni par l’appât de la dot ni par la crainte des lois de Solon »[1]. On apprend avec quel scrupule les fourmis s’abstiennent de sortir le premier du mois. Et, d’autre part, on est invité à frémir d’horreur, en

  1. Sur les animaux, I, 13.